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Un taux CORRA à terme est officiellement en cours d’élaboration

30 janvier 2023 Bulletin sur les services financiers Lecture de 6 min

Le 11 janvier 2023, le Groupe de travail sur le taux de référence complémentaire pour le marché canadien (le « Groupe de travail ») a annoncé qu’il travaillait à l’établissement d’un taux CORRA à terme pour des échéances d’un mois et de trois mois et qu’il souhaitait rendre ce taux disponible d’ici la fin du troisième trimestre de 2023[1]. Le taux CORRA à terme sera conforme à la fois aux principes régissant les indices de référence de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (les « principes de l’OICV ») et à la réglementation canadienne en la matière.

La mise au point d’un taux CORRA à terme représente une étape importante dans la préparation à l’abandon du taux CDOR (Canadian Dollar Offered Rate, le « CDOR »), comme nous l’expliquions dans un bulletin antérieur. La transition s’est amorcée après la publication par le Groupe de travail d’un livre blanc dans lequel il concluait que le CDOR n’était pas déterminé d’une manière conforme aux bonnes pratiques internationales, qui privilégient des taux de référence fondés sur des volumes élevés d’opérations observables conclues dans des conditions de pleine concurrence, plutôt que sur un jugement d’expert.

Qu’est-ce qu’un taux CORRA à terme?

La nécessité d’établir un taux CORRA à terme provient de la difficulté de passer d’un taux de référence prospectif, comme le CDOR, à un taux à un jour, comme le taux des opérations de pension à un jour (le « taux CORRA »). Pour créer un taux à terme prospectif, le Groupe de travail a collaboré avec divers acteurs du secteur des services financiers. Le taux CORRA à terme est censé refléter, à un moment spécifique, le taux des swaps indexés sur le taux à un jour basés sur le taux CORRA pour des échéances d’un mois et de trois mois.

Le taux sera calculé en fonction des contrats à terme basés sur le taux CORRA d’un mois et de trois mois négociés à la Bourse de Montréal, en tenant compte de transactions réalisées et d’offres exécutables[2].

Fait à noter, le Groupe de travail fournit deux méthodes de calcul du taux CORRA à terme. L’existence d’une deuxième méthode, appelée « approche de niveau 2 », tient à de possibles problèmes de liquidité des contrats à terme qui compliquent le calcul du taux. Si les transactions et/ou les ordres à cours limité visant des contrats à terme indexés sur le taux CORRA ne génèrent pas une liquidité suffisante pour calculer un taux CORRA à terme un jour donné, on utilisera le taux publié le jour ouvrable précédent, ajusté pour tenir compte de toute variation des taux CORRA passés sur la période qui correspond à l’échéance considérée. L’approche de niveau 2 peut être utilisée un maximum de dix jours consécutifs, après quoi l’administrateur du taux de référence devra réexaminer la méthode de calcul initiale pour déterminer comment la rendre viable.[3]

Qui est l’administrateur?

La publication du taux CORRA à terme sera réalisée et gérée par CanDeal Innovations Inc. (« CanDeal ») et TMX Datalinx, sous réserve d’approbations réglementaires[4]. TMX Datalinx est la division des services d’information de TSX Inc. CanDeal possède une expertise dans la construction de courbes de rendement pour les marchés canadiens et la publication de prix de référence des obligations qui respectent les principes de l’OICV. CanDeal sera responsable de tous les aspects du taux CORRA à terme, y compris de veiller à ce qu’il reste conforme aux principes de l’OIVC et à la réglementation canadienne relative aux indices de référence.

Comme le taux CORRA à terme sera un indice de référence désigné, CanDeal et TMX Datalinx seront réglementés en tant qu’administrateurs d’indices de référence désignés par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et l’Autorité des marchés financiers. À ce titre, ils devront notamment se conformer à certaines exigences de gouvernance et de surveillance interne.

Il convient de souligner que le taux CORRA à terme sera géré par un administrateur canadien, et non par une grande organisation internationale comme c’était le cas pour le CDOR, dont l’administrateur était Refinitiv Benchmark Services (UK) Limited, entreprise du Royaume-Uni.

Cas d’utilisation autorisés du taux CORRA à terme

Le Groupe de travail note que de nombreux produits financiers actuellement basés sur le taux CDOR passeront au taux CORRA composé à terme échu[5], comme cela s’est fait dans d’autres pays. Il précise que l’adoption générale d’un taux à un jour est la pratique que préconisent le Conseil de stabilité financière, la Banque du Canada et d’autres banques centrales et autorités de réglementation.

Certaines situations peuvent cependant nécessiter le recours à un taux sans risque prospectif, comme le taux CORRA à terme, dont le Groupe de travail a approuvé trois cas d’utilisation :

  • produits de prêt;
  • opérations de crédit commercial (actualisation des créances clients);
  • dérivés dans la même monnaie servant à couvrir des prêts fondés sur le taux CORRA à terme dans le cas d’utilisateurs finaux (c’est-à-dire prêteur, emprunteur ou garant).

Les opérations sur dérivés dans la même monnaie entre courtiers intermédiaires pourraient être ajoutées à cette liste[6]. Le Groupe de travail prendra une décision à ce sujet avant l’entrée en vigueur officielle du taux CORRA.

Le Groupe de travail n’a pas approuvé l’utilisation du taux CORRA à terme pour les cas suivants, notamment : les obligations à taux variable, les titrisations, les titres de capital, les billets structurés et les dérivés autres que ceux explicitement autorisés (y compris les swaps de devises variable-variable).

Toute entité qui désire offrir ou créer des produits financiers fondés sur le taux CORRA à terme devra conclure un contrat de licence l’autorisant à le faire. Ces contrats seront offerts à un prix « raisonnable sur le plan commercial ». Les utilisateurs finaux des produits basés sur le taux CORRA à terme pourront rester sans licence jusqu’au 28 juin 2024. Après cette date, ils pourraient être tenus de conclure un contrat de licence. Il n’y a pas de proposition analogue pour le taux SOFR à terme aux États-Unis; il semble que des licences d’utilisateur final dans ce cas imposeraient un fardeau administratif élevé, mais apporteraient peu d’avantages.

Le régime des contrats de licence canadien est toujours en voie d’élaboration, mais il pourrait refléter celui des États-Unis, qui prévoit deux catégories de licence pour les prêteurs : la première permet d’utiliser des dérivés fondés sur le SOFR à terme pour les marchés au comptant, tandis que la seconde permet un emploi très limité du SOFR à terme sur les marchés des dérivés.

Implications des clauses de repli

Si le Groupe de travail autorise certains cas d’utilisation du taux CORRA à terme, il réitère que les emprunteurs ayant les capacités nécessaires pour utiliser le CORRA à un jour devraient privilégier ce dernier, surtout ceux qui couvrent leurs prêts au moyen de produits dérivés[7].

Cela contredit la publication d’août 2022 du Groupe de travail au sujet des clauses de repli, qui désignait le taux CORRA à terme comme taux de référence de rechange à prioriser pour les prêts fondés sur le CDOR. Les prêteurs et les emprunteurs pourraient envisager d’utiliser le taux de rechange initial au cas par cas, plutôt que de suivre en tout temps les clauses recommandées par le Groupe.

Le Groupe de travail souligne par ailleurs que des clauses de repli solides seront requises si le taux CORRA à terme est employé. Il indique qu’en raison de possibles problèmes de liquidité des contrats à terme sous-jacents indexés sur le taux CORRA, l’administrateur pourrait devoir ajuster sa méthode de calcul. Si les modifications apportées ne permettent pas d’obtenir un taux de référence assez robuste, l’administrateur pourrait devoir cesser de publier le taux CORRA à terme. Dans la plupart des cas, les clauses de repli associées au taux CORRA à terme feront référence au taux CORRA composé à terme échu. Le Groupe de travail note aussi que les utilisateurs devront s’assurer d’avoir la capacité opérationnelle requise pour utiliser les taux de rechange choisis.

Conclusion

L’adoption d’un taux CORRA à terme fournira un taux à terme prospectif qui facilitera le remplacement à venir du CDOR. Cependant, comme le Groupe de travail a souvent évoqué de possibles problèmes de liquidité dans ses communications sur l’élaboration du nouveau taux de référence, la viabilité de celui-ci dans la pratique reste à déterminer.

[1] Banque du Canada, Le Groupe de travail sur le TARCOM annonce la création d’un taux CORRA à terme (11 janvier 2023). À noter que le Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF») et les autorités canadiennes en valeurs mobilières n’ont pas encore commenté l’acceptabilité du taux CORRA à terme comme taux de référence. Le BSIF mentionnait toutefois la consultation menée par le Groupe de travail sur le TARCOM dans sa lettre au secteur du 16 mai 2022 au sujet des attentes quant à l’abandon du CDOR.
[2] Groupe de travail sur le TARCOM, Méthode de calcul du taux CORRA à terme – Approche recommandée par le Groupe de travail sur le TARCOM (11 janvier 2023).
[3] Conformément au Règlement 25-102, Indices de référence et les administrateurs d’indice de référence désignés, toute modification importante de la méthode de calcul du taux CORRA à terme ferait l’objet d’une consultation publique.
[4] Groupe de travail sur le TARCOM, L’administration du taux CORRA à terme (11 janvier 2023).
[5] Groupe de travail sur le TARCOM, Cas d’utilisation du taux CORRA à terme autorisés par le Groupe de travail sur le TARCOM (11 janvier 2023)
[6] Le taux SOFR à terme n’est pas autorisé pour les opérations entre courtiers intermédiaires, mais le Groupe de travail a signalé que cela posait un problème de gestion du risque pour les banques américaines et que le souhait avait été exprimé de voir le SOFR à terme autorisé pour ces opérations.
[7] Préc., note 5. Le Groupe de travail note que le taux de référence de rechange pour les dérivés fondés sur le CDOR (et défini dans les documents de l’ISDA) est le CORRA à un jour plutôt que le CORRA à terme, et qu’en conséquence, un prêt fondé sur le CDOR et couvert au moyen d’un dérivé fondé sur le CDOR passera automatiquement à un taux fondé sur le taux CORRA à un jour après l’abandon du CDOR. Il y aura disparité si le prêt passe au taux CORRA à terme et que le prêt couvert passe au taux CORRA à un jour.

par Shahen Mirakian, Maria Sagan et Vaughan Rawes (stagiaire en droit)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

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