Les secteurs des mines et du vêtement dans la mire de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) - TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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Les secteurs des mines et du vêtement dans la mire de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE)

16 août 2023 Bulletin sur le commerce international et litige Lecture de 6 min

Le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (« OCRE ») est un mécanisme de règlement des différends relatifs aux entreprises et aux droits de la personne mis en place par le gouvernement du Canada en 2019[1]. Il a le pouvoir de mener des enquêtes et de produire des rapports sur des allégations de violations des droits de la personne qui auraient été commises dans le cadre des activités étrangères d’entreprises canadiennes du secteur du vêtement ou des secteurs minier, pétrolier et gazier[2]. Il ne peut pas imposer d’amendes ni de pénalités, mais un rapport défavorable de sa part peut mener au retrait de l’appui commercial du gouvernement du Canada et entacher la réputation de l’entreprise visée[3].

L’OCRE s’est fait connaître à l’échelle nationale en juin lorsqu’il a publié ses deux premiers rapports d’évaluation sur la petite société minière canadienne Dynasty Gold Corp.[4] (« Dynasty ») et sur Nike Canada Corp.[5] (« Nike »), la filiale canadienne du géant du vêtement. Le 15 août, l’OCRE a publié son troisième rapport, cette fois au sujet des activités de Ralph Lauren Canada LP (« Ralph Lauren »), une filiale canadienne du designer et détaillant mondial[6]. L’OCRE s’est penché sur ces cas après avoir reçu des plaintes déposées par une coalition de 28 organisations alléguant que ces sociétés avaient recours au travail forcé à l’étranger. L’OCRE a conclu que des enquêtes devaient être menées pour vérifier ces allégations. L’ouverture de ces enquêtes a fait les manchettes dans les médias canadiens.

Toujours le 15 août, l’OCRE a publié son quatrième rapport d’évaluation initiale (le « rapport »), en lien avec des allégations portées contre une autre société minière canadienne, GobiMin Inc. (« GobiMin »). Contrairement aux évaluations de Dynasty, de Nike et de Ralph Lauren, le rapport a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une enquête sur le recours au travail forcé par GobiMin[7]. Une équipe de TRC-Sadovod dirigée par l’associé en litige Robert Wisner a représenté GobiMin auprès de l’OCRE.

La plainte contre GobiMin a été formulée par la même coalition à l’origine des enquêtes sur Dynasty, Nike et Ralph Lauren. Elle visait les activités que la société exerçait antérieurement dans la mine d’or de Sawayaerdun, en Chine.

L’OCRE ayant jugé que GobiMin, à la lumière des renseignements qu’elle avait fournis, avait participé de bonne foi au processus, a décidé de ne pas ouvrir d’enquête.

Processus de plainte et pratiques à adopter d’entrée de jeu

Les quatre évaluations démontrent que le processus de plainte de l’OCRE gagne en popularité auprès de diverses organisations[8]. Lors de l’exercice 2021-2022, l’OCRE a reçu cinq plaintes[9], nombre qui a quadruplé en 2022-2023, où vingt plaintes ont été déposées[10]. Une bonne partie des plaintes portent sur les activités exercées en Chine par des sociétés canadiennes dans le secteur du vêtement[11].

L’OCRE ouvrira sans doute de nombreuses enquêtes dans les mois à venir. À la réception d’une plainte recevable, l’OCRE procède à une évaluation initiale et présente ses recommandations dans un rapport rendu public. Si les parties sont d’accord, elles peuvent participer à une médiation. Si une enquête est jugée nécessaire, l’OCRE procédera à une enquête conjointe avec les parties ou, si la collaboration est impossible, à une enquête indépendante[12].

Les conclusions de l’OCRE dans le dossier GobiMin pourraient être utiles pour les prochaines sociétés à passer sous sa loupe. Si cette plainte n’a pas donné lieu à une enquête approfondie, c’est en partie parce que la société a donné une réponse crédible aux allégations aussi tôt que possible dans le processus. GobiMin a vigoureusement nié les allégations, qu’elle jugeait non fondées, mais elle a tout de même participé de bonne foi au processus, ce qui a été un facteur important dans la décision de l’OCRE de ne pas ouvrir d’enquête. Cela indique qu’une participation pleine et active au processus initial de l’OCRE et les conseils d’un avocat chevronné constituent les principaux moyens de défense.

Plutôt que de mener une enquête complète, l’OCRE a formulé des recommandations à GobiMin sur ses politiques relatives à la cessation de certaines activités en Chine.

Considérations particulières pour le secteur canadien du vêtement

Le mandat de l’OCRE vise le secteur du vêtement et les secteurs minier, pétrolier et gazier, mais le premier reçoit jusqu’ici une attention particulière. Un rapport produit par l’OCRE de sa propre initiative en 2023 sur le possible recours au travail des enfants par des sociétés canadiennes du vêtement, intitulé Respect des droits de l’enfant et risque associé au travail des enfants dans les activités et chaînes d’approvisionnement des entreprises canadiennes internationales du secteur du vêtement, met en relief les risques particuliers de cette industrie[13]. Plus précisément, selon l’OCRE, vu la nature intégrée des chaînes d’approvisionnement modernes, surtout dans ce secteur, il peut être difficile de remonter jusqu’au coton ou au fil, même pour les entreprises les plus importantes et les plus sophistiquées.

L’opinion de l’OCRE sur le secteur du vêtement transparaît dans l’enquête sur Nike qui, selon l’OCRE, n’a pas été en mesure de réfuter l’allégation voulant qu’elle soit cliente d’une usine soupçonnée d’avoir recours au travail forcé des Ouïghours. L’enquête a été lancée malgré la preuve contraire présentée par Nike et les pratiques de lutte contre le travail forcé de la société, parmi les meilleures du secteur, qui comprennent ses politiques sur la transparence et l’approvisionnement responsable.

De la même façon, Ralph Lauren n’a pas été en mesure de réfuter l’allégation selon laquelle elle a eu, le 1er mai 2019 ou après, des relations d’affaires avec les entités chinoises Youngor Textile Holdings Co. Ltée et Jiangsu Guotai Guosheng, soupçonnées d’avoir eu recours au travail forcé des Ouïghours ou d’en avoir bénéficié. Ralph Lauren a décidé à la dernière minute de participer au processus de l’OCRE, après avoir initialement refusé de coopérer. L’OCRE a ouvert une enquête de portée limitée sur (1) la déclaration sur le Xinjiang publiée par la société mère américaine de Ralph Lauren le 30 juillet 2020, dans laquelle elle nie s’approvisionner en fils, textiles ou produits provenant du Xinjiang et (2) les prétendus liens entre Ralph Lauren et les deux entités chinoises.

Selon toute vraisemblance, même la participation de bonne foi à l’évaluation initiale de l’OCRE pourrait ne pas suffire pour échapper à une enquête complète, et les critères d’ouverture sont peu exigeants. C’est d’autant plus vrai pour les entités du secteur du vêtement, qui ont la tâche ardue de prouver l’absence de travail forcé ou de travail des enfants aux premières étapes de la fabrication de leurs produits.

Évolution du régime canadien contre le travail forcé et le travail des enfants

L’interdiction d’importer au Canada des marchandises fabriquées par recours au travail forcé est entrée en vigueur le 1er juillet 2020, après la ratification de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique[14]. Cette loi a modifié le Tarif de douanes du Canada pour l’importation de marchandises extraites, fabriquées ou produites, en tout ou en partie, par du travail forcé[15].

Plus récemment, la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (anciennement le projet de loi S-211) a aussi modifié le Tarif des douanes en étendant l’interdiction d’importation aux produits issus du travail des enfants. Il s’agit de la première interdiction du genre dans le monde.

Cette loi ne définit pas le travail des enfants exactement comme le fait l’Organisation internationale du travail (« OIT »), ce qui complique la conformité par les entreprises canadiennes et l’application par les autorités.

Les groupes Commerce international et Litige de TRC-Sadovod aident leurs clients à interagir avec l’OCRE et leur donnent des conseils sur la législation relative au travail forcé. Leader en droit du commerce international et régimes réglementaires complexes, TRC-Sadovod est là pour aider les entreprises canadiennes à se conformer aux règles au fil de leur évolution.

[1] Conseil privé du Canada, Décret 2019-1323, 6 septembre 2019.
[2] L’OCRE présente ses rapports au ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique conformément à l’alinéa 14(1)a) de son décret habilitant. Voir Conseil privé du Canada, Décret 2019-1323, 6 septembre 2019, art. 14(1)a).
[3] Voir le bulletin sur le litige et le commerce international rédigé par Robert Wisner à ce sujet, « Canada’s Global CSR Cop? The Proposed Canadian Ombudsperson for Responsible Enterprise», janvier 2018 (en anglais seulement).
[4] OCRE, « Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations concernant les activités de Dynasty Gold Corp.», 11 juin 2023.
[5] OCRE, « Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations concernant les activités de Nike Canada Corp.», 11 juillet 2023.
[6] OCRE, « Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations canadiennes le 21 juin 2022 concernant les activités de Ralph Lauren Canada LP (RLCLP)», 15 août 2023.
[7] OCRE, « Rapport d’évaluation initiale d’une plainte déposée par une coalition de 28 organisations concernant les activités de GobiMin», 15 août 2023.
[8] L’OCRE a introduit un processus de plainte en ligne en 2021. Voir OCRE, « L’Ombudsman canadien pour les droits de la personne lance un processus de plainte en ligne dans le cadre du mandat mondial de protection des droits», 15 mars 2021.
[9] OCRE, « Rapport annuel 2021-2022», novembre 2022, p. 20.
[10] Voir les rapports trimestriels de l’OCRE pour l’exercice 2022-2023 : T1, T2, T3 et T4. Au moment de la publication du plus récent rapport de l’OCRE pour le premier trimestre de 2023-2024, le nombre de plaintes à l’étude était de 21.
[11] OCRE, « Rapport trimestriel sur les demandes de renseignements et les plaintes – quatrième trimestre de 2022-2023», 13 avril 2023.
[12] OCRE, « Guide pour déposer une plainte auprès de l’OCRE», 13 juin 2023.
[13] OCRE, « Respect des droits de l’enfant et risque associé au travail des enfants dans les activités et chaînes d’approvisionnement des entreprises canadiennes internationales du secteur du vêtement», 2023.
[14] Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, L.C. 2020, c. 1.
[15] Tarif des douanes, item 9897.00.00, art. 202(8).

par Robert Wisner, William Pellerin, Hannibal El-Mohtar et Lisa Page

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

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