Publication des lignes directrices sur l’application des nouvelles dispositions criminelles interdisant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage
Publication des lignes directrices sur l’application des nouvelles dispositions criminelles interdisant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage
Le 30 mai 2023, après une période de consultation, le Bureau de la concurrence Canada (le « Bureau ») a enfin publié ses Lignes directrices sur l’application de la loi concernant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage (les « Lignes directrices »). Les Lignes directrices définissent l’approche du Bureau concernant l’application des nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») criminalisant certains accords entre employeurs, qui entreront en vigueur le 23 juin 2023.
Elles présentent des explications essentielles aux employeurs, qui devront passer en revue leurs accords pour s’assurer qu’ils sont conformes aux nouvelles dispositions de la Loi.
Aperçu des nouvelles dispositions criminelles
Le paragraphe 45(1.1) de la Loi interdit certains accords conclus entre employeurs non affiliés a) pour fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi (un « accord de fixation des salaires »), ou b) pour ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre employeur (un « accord de non-débauchage »), qui sont en soi illégaux. La disposition a été adoptée en juin 2022 à la suite de préoccupations exprimées par le Bureau et le Parlement, mais aussi des actualités judiciaires aux États-Unis.
L’objectif du paragraphe 45(1.1) est de mettre un frein aux « restrictions pures et simples » à la concurrence que les employeurs imposent à leurs employés, telles que les restrictions salariales ou à la mobilité professionnelle qui ne sont pas mises en œuvre pour permettre une collaboration légitime, une alliance stratégique ou une coentreprise.
Quiconque enfreint ces dispositions est passible d’une amende dont le montant est fixé par le tribunal, d’une peine d’emprisonnement d’au plus 14 ans, ou des deux. Le contrevenant s’expose également au risque d’une action en dommages-intérêts, y compris une action collective, pour les pertes ou les préjudices subis en raison de ses actes commis en contravention du paragraphe 45(1.1).
Faits saillants des Lignes directrices
Dans ses Lignes directrices, le Bureau expose son interprétation de la nouvelle infraction criminelle relative aux accords de fixation des salaires et de non-débauchage ainsi que son approche en matière d’application. De plus, il précise dans quels cas il peut examiner les accords de non-débauchage et de fixation des salaires sous le régime civil de l’article 90.1 régissant les accords anticoncurrentiels.
Les Lignes directrices sont un précieux outil d’aide à la conformité, mais elles n’ont pas valeur de loi. Elles ne lient pas le Bureau ni le Service des poursuites pénales du Canada dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire d’application de la loi dans un cas donné, et encore moins les tribunaux et les parties plaignantes privées qui intentent une poursuite en dommages-intérêts au civil.
a) Vaste portée de l’interdiction des accords de fixation des salaires
L’alinéa 45(1.1)a) interdit également les accords visant à fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires et les traitements, ou encore les « conditions d’emploi ». Selon les Lignes directrices, les « conditions d’emploi » incluent les « responsabilités, politiques et avantages associés à un emploi », par exemple les descriptions de poste, les allocations (telles que les indemnités quotidiennes et le remboursement des déplacements), la rémunération non monétaire, les heures de travail, le lieu de travail, et les dispositions de non-concurrence ou autres directives susceptibles de restreindre les perspectives d’emploi d’une personne. Les Lignes directrices précisent qu’en règle générale, le Bureau limitera ses mesures d’application aux « conditions » pouvant influer sur la décision d’une personne d’accepter un contrat d’emploi ou de le conserver.
b) Les accords d’interdiction unidirectionnelle de débauchage ne sont pas interdits
Selon l’interprétation du Bureau, l’interdiction des accords de non-débauchage de l’alinéa 45(1.1)b) s’applique uniquement aux accords bidirectionnels, aux termes desquels chaque employeur partie à l’accord s’engage à ne pas embaucher ni solliciter les membres du personnel de l’autre employeur. Ainsi, les accords unidirectionnels, en vertu desquels un seul employeur s’engage à ne pas solliciter ni embaucher le personnel de l’autre employeur sans obtenir d’engagement réciproque, ne sont pas visés par l’interdiction.
c) On doit retrouver une « rencontre des volontés »
Pour qu’il y ait infraction au paragraphe 45(1.1), les employeurs doivent conclure un « accord » en vue de commettre les agissements interdits. Cela signifie qu’il doit y avoir une « rencontre des volontés » entre les parties, expresse ou tacite, de se livrer aux agissements interdits, peu importe si l’accord a été officialisé ou s’il est applicable, ou s’il a été mis en œuvre.
d) Les accords antérieurs sont problématiques seulement si les parties les réaffirment
Les Lignes directrices précisent que dans le cas des accords conclus avant le 23 juin 2023, il est peu probable que le Bureau en vienne à conclure qu’un accord de fixation des salaires ou de non-débauchage est problématique si les parties ne prennent pas de mesures pour réaffirmer ou mettre en œuvre la restriction à cette date ou ultérieurement. Si aucune mesure n’est prise par au moins deux parties afin de réaffirmer ou de mettre en œuvre la restriction, le critère de la « rencontre des volontés » n’est pas satisfait.
Les Lignes directrices recommandent également aux employeurs de mettre à jour les documents et accords préexistants de l’entreprise, à mesure qu’ils se présentent dans le cours normal des affaires, afin de s’assurer de leur conformité.
e) L’application de la loi aura la priorité lorsque les employeurs se disputent la main-d’œuvre
Les interdictions prévues au paragraphe 45(1.1) s’appliquent aux accords de fixation des salaires et de non-débauchage entre employeurs non affiliés, qu’ils se fassent concurrence ou non dans la fourniture d’un produit. Néanmoins, le Bureau s’attend à concentrer ses efforts d’application de la loi sur les accords de fixation des salaires et de non-débauchage entre des employeurs qui autrement se concurrenceraient dans l’acquisition de main-d’œuvre. Autrement dit, les accords entre employeurs qui n’ont pas besoin des mêmes catégories d’employés et qui, par conséquent, ne se font pas concurrence pour la main-d’œuvre risquent moins d’attirer l’attention du Bureau.
f) Certains types d’échanges de renseignements peuvent faire l’objet d’un examen
La communication de renseignements ne soulève habituellement pas de préoccupations, mais les Lignes directrices invitent les employeurs à la prudence lorsqu’ils échangent entre eux des informations commercialement sensibles dans le cadre d’activités de collaboration, y compris la communication des conditions d’emploi. L’échange d’informations commercialement sensibles, combiné à des comportements parallèles, peut donner à penser qu’il existe un accord illégal entre les parties.
g) La « défense fondée sur les restrictions accessoires » pourrait être recevable
Les Lignes directrices reconnaissent le rôle important que peuvent jouer les restrictions liées au travail dans la stabilisation et la protection des intérêts commerciaux légitimes des parties qui poursuivent des objectifs pro-concurrentiels légitimes dans de nombreux accords commerciaux. Ainsi, les Lignes directrices précisent que le Bureau n’évaluera généralement pas les clauses de fixation des salaires ou de non-débauchage qui sont accessoires aux transactions de fusion, aux coentreprises ou aux alliances stratégiques en vertu des dispositions criminelles du paragraphe 45(1.1), puisque les parties pourraient sans aucun doute se prévaloir de la « défense fondée sur les restrictions accessoires » prévue par la Loi.
Selon la défense fondée sur les restrictions accessoires, une restriction par ailleurs illégale ne constitue pas une infraction criminelle si : a) la restriction est accessoire à un accord plus large ou distinct entre les mêmes parties et qu’elle ne constitue pas en soi un complot; b) la restriction est directement liée à l’objectif de l’accord plus large ou distinct et est raisonnablement nécessaire à sa réalisation.
Le Bureau reconnaît que la défense fondée sur les restrictions accessoires peut être recevable dans des situations commerciales relativement courantes, par exemple les accords de franchise et certaines relations entre les fournisseurs de services et leurs clients. Ainsi, le Bureau peut ouvrir une enquête criminelle sous le régime du paragraphe 45(1.1) lorsque le champ d’application des clauses de fixation des salaires ou de non-débauchage est nettement plus large que nécessaire sur les plans de la durée, de la portée ou des employés visés.
Conclusion
L’infraction relative aux accords de fixation des salaires et de non-débauchage entrera en vigueur le 23 juin 2023. Il est donc important que les entreprises prennent le temps de passer en revue leurs pratiques existantes pour s’assurer qu’elles sont conformes, et de trouver un moyen de gérer leurs accords conclus avant cette date et d’évaluer si la défense fondée sur les restrictions accessoires peut s’appliquer. Les membres des groupes Concurrence et Emploi et relations de travail de TRC-Sadovod peuvent réaliser des examens de la conformité et vous aider à effectuer les modifications nécessaires.
par William Wu, Joshua Chad, Paul Boshyk, Rachel Wong (stagiaire en droit) et Nandini Pahari (étudiante d’été)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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