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Le classement du noyau du Quartier chinois de Montréal comme site patrimonial : le processus et ses conséquences

28 août 2023 Bulletin en droit immobilier commercial Lecture de 5 min

Le 20 juillet 2023, le gouvernement du Québec a classé le noyau du Quartier chinois de Montréal comme site patrimonial. Dix bâtiments et structures historiques se trouvent désormais protégés contre la démolition ou les modifications importantes sans autorisation. Ce bulletin présente les étapes menant à un tel classement visant un immeuble ou un site patrimonial et les conséquences de celui-ci, notamment pour leur propriétaire.

Le cadre juridique

En vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, le gouvernement du Québec peut, de sa propre initiative ou sur proposition de toute personne intéressée, classer tout bien patrimonial dont la connaissance, la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public[1]. Le bien classé peut être un document, un objet, un immeuble, un site ou encore un ensemble.

Les étapes du classement d’un immeuble ou d’un site patrimonial

Le classement d’un immeuble ou d’un site patrimonial s’effectue en plusieurs étapes. Tout d’abord, une proposition de projet de classement doit être présentée par le gouvernement (par l’entremise du ministre de la Culture et des Communications, ci-après le « Ministre ») ou par toute autre personne intéressée. Cette proposition s’effectue au moyen du formulaire « Proposition de statut – Classement d’un immeuble ou d’un site patrimonial »[2], qui doit être accompagné de la documentation requise.

Dans un deuxième temps, le Ministre procède à une évaluation de l’intérêt patrimonial du bien en s’appuyant sur une méthode d’évaluation et sur une grille de catégorisation[3]. Le Ministre signe ensuite un Avis d’intention de classer un bien patrimonial, lequel est transmis au propriétaire du bien inscrit sur le registre foncier et publié dans un journal local ou régional[4]. Le propriétaire ou toute personne intéressée dispose alors de soixante jours pour exprimer son point de vue auprès du Conseil du patrimoine culturel du Québec. À l’expiration de ce délai de soixante jours, le Conseil du patrimoine culturel du Québec émet son avis sur le projet de classement.

Le processus est complété lorsque le Ministre signe et publie un Avis de classement contenant : 1) la désignation du bien, 2) sa catégorie et 3) les motifs soutenant la décision[5]. Cet Avis de classement est accompagné d’une liste des éléments caractéristiques du bien qui sont à préserver. Il est transmis notamment au propriétaire et est inscrit au registre foncier[6]. À l’issue de ce processus, le registraire du patrimoine culturel inscrit le bien patrimonial classé au registre du patrimoine culturel.

Les effets du classement

Lorsque le bien est un immeuble, le classement a pour effet de prévenir toute personne de l’altérer, le restaurer, le réparer, le modifier de quelque façon, de le démolir en tout ou en partie, de le déplacer ou encore de l’utiliser comme adossement à une construction sans autorisation préalable du Ministre[7].

Dans le cas des sites patrimoniaux, tels que le noyau du Quartier chinois de Montréal, le classement engendre des restrictions similaires à celles affectant les immeubles. En effet, celui-ci contraint toute personne à obtenir une autorisation du Ministre avant de procéder à la division, à la subdivision ou au morcèlement d’un immeuble, à la modification de l’aménagement ou de l’implantation d’un immeuble, à la construction, réparation ou modification relative à l’apparence extérieure d’un immeuble, à la démolition en tout ou en partie de cet immeuble, à l’édification d’une nouvelle construction ou à l’excavation du sol à l’intérieur du bâtiment[8]. Le classement interdit également au propriétaire de faire un nouvel affichage ou bien de modifier, remplacer ou démolir une enseigne ou un panneau-réclame existant sans l’autorisation du Ministre[9].

Les immeubles et les sites patrimoniaux se trouvent donc protégés contre la démolition ou les modifications majeures sans autorisation. La Loi sur le patrimoine culturel impose également aux propriétaires et aux acquéreurs de biens patrimoniaux classés de prendre les mesures nécessaires à la préservation de la valeur patrimoniale du bien[10].

Ces effets suivent le bien patrimonial classé, notamment en cas de vente de celui-ci, tant et aussi longtemps qu’il n’a pas été déclassé[11].

Le cœur du Quartier chinois de Montréal classé comme site patrimonial

Le classement du Quartier chinois de Montréal

Le 20 juillet 2023, le gouvernement du Québec a signé un Avis de classement visant le cœur du Quartier chinois de Montréal. Dix bâtiments et structures répartis sur quatorze lots ont alors été déclarés, rétroactivement au 24 janvier 2022, comme faisant partie d’un site patrimonial classé.  Cette décision du Ministre Mathieu Lacombe a donné effet à une proposition de statut présentée le 6 mai 2021. L’avis d’intention de classement d’un bien patrimonial, publié au registre foncier le 8 février 2022, avait quant à lui été signé par la Ministre (ce poste étant alors occupé par Nathalie Roy) le 21 janvier 2022.

L’Avis de classement désigne le bien patrimonial en énumérant les quatorze lots concernés et énonce les différents motifs qui sous-tendent la décision du Ministre. Sont ainsi reconnues les valeurs historique, architecturale, urbanistique, emblématique et sociale du site, qui justifient de le protéger, de le mettre en valeur de de le transmettre aux générations futures.

Les conséquences du classement pour les propriétaires actuels et futurs du site

L’Avis de classement précise que le site appartient aux catégories 2 (« Extérieur supérieur »), 8 (« Terrain supérieur ») et 12 (« Potentiel archéologique significatif »), qui sont associées à des niveaux de conservation précis.

La catégorie 2 comprend les biens dont la composante extérieure contribue de manière supérieure à ses valeurs patrimoniales, que celles-ci soient architecturale, artistique, ethnologique, historique ou technologique. La catégorie 8 regroupe les biens qui comptent une étendue de territoire protégé contribuant de manière supérieure à ses valeurs patrimoniales historique, paysagère ou urbanistique. Dans ces deux catégories, l’extérieur et le terrain comportent des éléments caractéristiques devant faire l’objet d’un niveau de conservation élevé et ne peuvent faire l’objet que de faibles transformations. Les ajouts sont possibles, mais ceux-ci doivent s’harmoniser et s’intégrer au bien (catégorie 2) ou à la trame urbaine et paysagère (catégorie 8).

La catégorie 12, quant à elle, désigne les biens pour lesquels un potentiel archéologique significatif a été identifié, mais qui ne sont pas associés à un site archéologique connu. Leurs composantes archéologiques nécessitent ainsi un degré de conservation moyen et peuvent faire l’objet de certaines interventions (incluant des travaux d’excavation), si tant est que leurs effets sur l’intégrité des sols soient minimisés.

Les propriétaires actuels et futurs des bâtiments et structures du Quartier chinois de Montréal devront donc, conformément aux prescriptions de la Loi sur le patrimoine culturel, obtenir l’autorisation du Ministre avant de procéder aux modifications énumérées ci-haut. Une telle autorisation ne leur sera cependant accordée que si les travaux s’inscrivent dans les objectifs de conservation de chacune des catégories mentionnées dans l’Avis de classement.

[1] Loi sur le patrimoine culturel, RLRQ c P-9.002, arts 29, al. 2.
[2] « Proposer l’attribution d’un statut légal » (dernière consultation le 21 août 2023), en ligne (pdf): Gouvernement du Québec.
[3] Voir Loi sur le patrimoine culturel, supra note 1, arts 29 et 11.1.
[4] Voir ibid, art 30.
[5] Voir ibid, art 32.
[6] Voir ibid arts 32-33.
[7] Voir ibid, art 48.
[8] Voir ibid, art 64.
[9] Voir ibid, art 65.
[10] Voir ibid, art 26.
[11] Voir ibid, art 35.

par Martin Thiboutot et Eva Langrais (stagiaire)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

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