Politiques de vaccination obligatoire pour les employés : des mesures efficaces ou un coup d'épée dans l'eau? - TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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Politiques de vaccination obligatoire pour les employés : des mesures efficaces ou un coup d’épée dans l’eau?

Décembre 2020 Bulletin du droit du travail et de l’emploi Lecture de 6 min

Au moment où nous rédigions cet article, Santé Canada a approuvé deux vaccins contre la COVID‑19, les vaccinations des travailleurs de la santé de première au Canada ligne ont commencé et tout le monde au Canada pourra (à un moment donné) se faire vacciner. Toutefois, que faire si vos employés choisissent de ne pas se faire vacciner? Les employeurs s’inquiètent avec raison de l’incidence que cette situation pourrait avoir sur leur milieu de travail. Aussi, quelles mesures un employeur peut-il prendre pour faire en sorte que sa main-d’œuvre soit vaccinée?

Certains employeurs peuvent songer à mettre en place une politique de vaccination obligatoire pour leurs employés. Toutefois, les avis divergent sur la question de savoir si un employeur peut mettre en place une telle politique pour la COVID‑19, car il n’existe aucune jurisprudence ou législation portant directement sur cette nouvelle situation.

La législation existante traite de cas particuliers où les employeurs doivent exiger de leurs employés qu’ils soient vaccinés contre des maladies précises. Il existe également des décisions d’arbitrage du travail concernant les vaccins annuels contre la grippe et la question de savoir si un employeur peut mettre en place une politique de vaccination obligatoire dans le secteur de la santé.

Nous traiterons chacun des points ci‑dessus un à un, puis nous discuterons des facteurs dont les employeurs doivent tenir compte pour décider de la marche à suivre.

Dans des cas limités, les vaccins sont obligatoires pour des travailleurs particuliers

L’Ontario est unique au Canada en matière d’exigences de vaccination pour des travailleurs particuliers :

  • En vertu du règlement de la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance de l’Ontario, les exploitants de centres de garde (ou d’une agence de services de garde en milieu familial) doivent s’assurer que leurs employés sont « immunisés selon les directives du médecin-hygiéniste local »[1].
  • En vertu du règlement de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée de l’Ontario, les titulaires de permis doivent mettre en place une série de cinq mesures d’immunisation, dont une exigence indiquant qu’un « programme d’immunisation doit être prévu conformément aux pratiques fondées sur des données probantes et, en l’absence de telles pratiques, conformément aux pratiques couramment admises »[2].
  • En vertu du règlement de la Loi sur les ambulances de l’Ontario, les ambulanciers, les auxiliaires médicaux, les personnes bénévoles et les étudiants doivent être titulaires d’un certificat d’immunisation pour une liste précise de maladies[3].

Une exigence législative fédérale existe également pour la vaccination des travailleurs qui participent à la fabrication de certains vaccins, conformément au Règlement sur les aliments et drogues[4].

Les exigences législatives précitées sont clairement motivées par des préoccupations de sécurité tenant au risque accru de transmission de maladies contagieuses aux personnes à risque. Pour l’instant, aucun gouvernement n’a fourni de directives sur la question de savoir si la vaccination contre la COVID‑19 sera ajoutée à la liste des immunisations requises pour ces travailleurs.

En règle générale, les provinces ont le pouvoir d’ordonner la vaccination obligatoire sur ordre d’un fonctionnaire du gouvernement ou du médecin‑hygiéniste en chef de la province[5]. Toutefois, au moment où nous rédigeons ce document, la plupart des provinces, y compris l’Ontario, ont déclaré que la vaccination continuerait d’être une procédure volontaire.

Les décisions d’arbitrage du travail concernant les « vaccins contre la grippe » suggèrent que les tribunaux ne confirment pas toujours les politiques de vaccination obligatoire

L’intégrité corporelle d’une personne est le degré ultime de protection de la vie privée. Dès lors, un employé ne peut généralement pas être contraint de se soumettre à une vaccination sans y consentir ou sans que l’employeur ne dispose d’un droit contractuel ou légal d’insister sur l’immunisation de l’employé.

Toutefois, les arbitres du travail ont reconnu que certains employeurs pouvaient être en mesure d’insister sur la vaccination de leurs travailleurs. En particulier, les employeurs qui fournissent des services de soins de santé et de soins en établissement, notamment aux personnes âgées ou immunovulnérables, se sont vus justifiés de renvoyer temporairement les employés qui refusaient de se faire vacciner[6].

Les arbitres du travail ont jugé que les politiques de vaccination obligatoire doivent être liées aux intérêts commerciaux légitimes de l’employeur. La protection de la santé et de la sécurité des employés, des clients et des patients a été jugée relever d’un intérêt commercial légitime.

Les vaccins contre la grippe sont différents des vaccins contre la COVID‑19, tant par la gravité de la maladie contre laquelle ils tentent d’immuniser que par leur efficacité. Cette distinction pourrait aider un employeur qui cherche à mettre en œuvre une politique de vaccination obligatoire. La sévérité de la COVID‑19, particulièrement à l’égard des personnes vulnérables, peut faire en sorte qu’on accorde plus de poids à l’intérêt de l’employeur de protéger la sécurité des autres, et un vaccin plus efficace permet de lier plus facilement la politique aux intérêts commerciaux légitimes de l’employeur. Toutefois, comme aucune de ces affaires n’a été portée devant les tribunaux ou en arbitrage, la question de savoir si une politique de vaccination obligatoire contre la COVID‑19 peut ou non être confirmée est encore loin d’être résolue.

Les politiques de vaccination sont une affaire de juste équilibre entre la sécurité et les droits des employés

Une politique de vaccination obligatoire est une mesure intrusive; elle contraint les employés à subir une procédure médicale particulière qui pourrait provoquer des effets indésirables chez certains d’entre eux ou être contraire à leurs croyances religieuses.

Les employeurs qui ont l’intention d’exiger de leurs employés qu’ils divulguent s’ils ont été vaccinés ou les raisons pour lesquelles ils n’ont pas reçu le vaccin contre la COVID‑19, devraient aussi tenir compte des incidences sur la vie privée, lesquelles varient d’un territoire à l’autre. Pour plus de renseignements au sujet des considérations liées à la protection de la vie privée à cet égard, veuillez contacter un.e membre du groupe Protection de la vie privée et des données de TRC-Sadovod.

En règle générale, les employeurs devraient évaluer en quoi une politique de vaccination obligatoire proposée établit un équilibre entre les droits de la personne et droits à la protection de la vie privée d’un employé et les risques légitimes pour la sécurité que pose la COVID‑19. En particulier, étant donné la nature invasive des vaccinations, tout employeur cherchant à faire confirmer une politique de vaccination obligatoire devra expliquer pourquoi des mesures alternatives, telles que le port du masque, le lavage des mains et la distanciation physique, seraient inadéquates comparativement à l’administration d’un vaccin aux employés.

Points à retenir pour les employeurs

Un employeur qui réfléchit à une politique de vaccination obligatoire devrait en évaluer toutes les incidences, notamment sur le plan des mesures disciplinaires en cas de non-respect de la politique. L’employeur, tant en milieu syndiqué que non syndiqué, doit donc évaluer si la politique satisfait aux critères suivants :

  1. elle ne doit pas être incompatible avec le contrat de travail ou la convention collective;
  2. elle ne doit pas être déraisonnable;
  3. elle doit être claire et sans équivoque;
  4. elle doit être portée à l’attention des employés visés avant que l’employeur puisse la faire respecter;
  5. les employés concernés doivent être avertis qu’une violation de la politique pourrait donner lieu à des mesures disciplinaires si la politique doit servir de fondement à des mesures disciplinaires;
  6. la politique doit être appliquée avec cohérence par l’employeur dès son introduction.

Les employeurs doivent savoir que leur responsabilité peut éventuellement être engagée en cas de réaction indésirable au vaccin administré à un employé et que des plaintes fondées sur la violation des droits de la personne peuvent éventuellement leur être opposées par des employés alléguant la discrimination si des mesures d’accommodement ne sont pas prévues. En conséquence, ils doivent élaborer une stratégie pour accommoder les personnes qui ont une raison valable de ne pas recevoir le vaccin contre la COVID‑19.

Les employeurs doivent également examiner si un programme de vaccination volontaire ou des mesures incitatives à l’administration du vaccin seraient une alternative suffisante à un programme de vaccination obligatoire.

Enfin, bien qu’un employeur puisse consulter des décisions d’arbitrage sur les politiques de vaccination contre la grippe pour obtenir de l’aide, chaque milieu de travail est unique. Il est donc important de consulter un conseiller juridique afin de déterminer comment ces conseils s’appliqueraient à un milieu de travail en particulier.

Si vous avez des questions concernant ce qui précède, n’hésitez pas à contacter un.e membre du groupe Emploi et relations de travail.

par Dave McKechnie, Shari Munk-Manel, Dianne Rideout, Victor Kim et Connor Campbell.

[1] Règl. de l’Ont. 137/15, art. 57,  pris en application de la Loi de 2014 sur la garde d’enfant et la petite enfance, L.O. 2014, ch. 11, annexe 1.

[2] Règl. de l’Ont. 79/10 art. 229, pris en application de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, L.O. 2007, ch. 8.

[3] Règl. de l’Ont. 257/00, art. 6 h) et 14 d) (en anglais seulement), pris en application de la Loi sur les ambulances, L.R.O. 1990 ch. A19.

[4] CRC ch. 870, art. C.04.071, C.04.135, pris en application de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985) ch. F‑27.

[5] Public Health Act, RSA 2000, c P-37, s 38; Public Health Act, SBC 2008, c 28, s 28; Loi sur la santé publique, L.M. 2006, ch. 14, art. 26‑27; Loi sur la santé publique, LN‑B 1998, ch. P‑22.4, art. 33; Public Health Protection and Promotion Act, SN 2018, c P-37.3, s 32; Health Protection Act, SNS 2004, c 4, s 32; Loi sur la santé publique, L.T.N.O 2007, ch. 17, art. 11; Loi sur la santé publique, L Nu 2016, ch. 13, art. 55 2); Loi sur la protection et la promotion de la santé, L.R.O. 1990, ch. H7, art. 22 1); Public Health Act, SPEI 2012, c 20 (2nd Sess), s 39; Loi sur la santé publique RLRQ ch. S-2.2, art. 123; The Public Health Act, 1994, SS 1994, c P-37.1, s 38; Loi sur la santé et la sécurité publiques, LRY 2002, ch. 176, art. 17.

[6] Trillium Ridge Retirement Home [1998] O.L.A.A. No. 1046; Carewest v. A.U.P.E., 104 L.A.C. (4th) 240; Chinook Health Region v. U.N.A., [2002] 113 L.A.C. (4th) 289; Interior Health Authority v. BCNU, 155 L.A.C. (4th) 252; Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. CSSS Rimouski-Neigette, 2008 CanLII 19577 (QC SAT) (Demande de révision judiciaire rejetée (2009 QCCS 2833)); Health Employers Assn. of British Columbia and HSA BC (Influenza Control Program Policy), Re, [2013] B.C.C.A.A.A. No. 138; et Interior Health Authority v. B.C.N.U [2006] B.C.C.A.A.A.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder sur ce seul document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L. s.r.l. 2020

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