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Place au numérique – le gouvernement canadien mène des consultations sur une politique modèle de commerce numérique

Le 1er novembre 2022 Bulletin sur la réglementation Lecture de 8 min

Commerce numérique : le Canada veut un rôle de premier plan

Au Canada et partout dans le monde, les consommateurs et les entreprises font de plus en plus de commerce en ligne. Par exemple, les consommateurs du pays ont dépensé 84,4 milliards de dollars sur des plates-formes de commerce électronique en 2020, contre 57,4 milliards en 2018, ce qui représente un bond de 47 %[1]. Cela dit, des obstacles au commerce numérique persistent, et la transformation numérique des échanges de biens et de services a conduit des États, dont le Canada, à envisager un renforcement de la réglementation des opérations relevant du commerce numérique international[2]. Très récemment, le pays a mené deux consultations afin de mieux connaître l’avis des parties intéressées sur la direction à donner à ses politiques en la matière.

Le gouvernement fédéral a plusieurs objectifs politiques en vue de positionner le pays en tant que leader du commerce numérique international, notamment élaborer la Politique modèle de commerce numérique du Canada (la « Politique modèle »). Grâce à cette politique, le pays pourrait collaborer avec un vaste éventail de partenaires commerciaux, et les entreprises canadiennes, petites et grandes, bénéficieraient d’une certitude et d’une prévisibilité accrues des règles en matière de commerce numérique[3].

Qu’est-ce que le commerce numérique?

Le commerce numérique renvoie à l’ensemble des transactions numériques liées aux échanges de biens et de services qui peuvent être fournis sous forme numérique ou physique[4]. En d’autres mots, on parle de transactions impliquant des technologies numériques, sans nécessairement que le bien ou le service soit purement numérique ni qu’il soit fourni par voie électronique. Il peut s’agir aussi bien d’un bien acheté sur une plate-forme numérique et livré physiquement, comme un vêtement ou un aliment, que d’un service acheté et fourni en ligne, comme un abonnement à Netflix ou à Xbox Game Pass (service de jeux vidéo).

Le commerce numérique ne se résume toutefois pas aux boutiques en ligne et aux plates-formes de diffusion en continu. En effet, il implique la création de chaînes d’approvisionnement numérique stables, l’élimination des obstacles à l’échange transfrontalier d’informations et la coopération en matière de cybersécurité et de protection de la vie privée.

La numérisation du commerce augmente la portée, le volume et la vitesse des échanges, et met de nouveaux biens et services à la disposition d’un bassin élargi d’entreprises et de consommateurs connectés à l’échelle planétaire. Le commerce numérique profite particulièrement aux PME, car il aide à surmonter les entraves traditionnelles à la croissance en facilitant les paiements en ligne, en créant des dispositifs de financement différents (p. ex., financement participatif) et en rendant accessibles les technologies infonuagiques, autant d’éléments qui stimulent l’échange d’informations et le financement transfrontaliers[5].

Devant l’importance grandissante qu’attachent les entreprises à la question, des pays ont adopté des politiques de commerce international qui facilitent la circulation des biens et services et leur accessibilité pour les consommateurs[6]. Par exemple, l’Union européenne (l’« UE ») a élaboré un modèle de « titre sur le commerce numérique », qu’elle proposera à l’avenir chaque fois qu’elle négociera un accord de libre-échange[7]. En proposant la Politique modèle, le gouvernement canadien reconnaît la nécessité d’accroître l’accès aux biens et services numériques, et d’adapter ses politiques commerciales à la mutation rapide du paysage numérique.

Accords internationaux sur le commerce numérique : où se situe le Canada?

Le pays est partie à deux accords commerciaux internationaux consacrant un chapitre au commerce numérique : l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (l’« ACEUM ») et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (le « PTPGP »). Les chapitres en question énoncent des obligations et des engagements quant à la facilitation du commerce numérique international. Par exemple, ils contiennent des dispositions sur la protection des consommateurs[8], la coopération sur le plan technologique[9], la protection des renseignements personnels[10], la coopération en matière de cybersécurité[11] et la protection du code source[12].

Nombre de ces dispositions, dont celles qui interdisent l’imposition de droits de douane sur les biens et services numériques et qui prévoient un traitement non discriminatoire des produits numériques[13], sont conformes aux obligations de non-discrimination et de libéralisation du commerce de l’Organisation mondiale du commerce (l’« OMC »)[14]. Ces accords transposent dans la réalité du numérique les obligations traditionnelles de l’OMC quant au commerce international; ils apportent également des solutions à des préoccupations découlant de la croissance de l’utilisation d’Internet et à des problèmes que pourrait engendrer le commerce numérique[15].

Commerce numérique international : vers où se dirige le Canada?

Le Canada y est allé de deux initiatives pour consolider sa position de leader du commerce numérique mondial : déposer une demande d’adhésion à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique (l’« APEN ») et lancer des consultations publiques sur son projet de Politique modèle.

Accord de partenariat pour l’économie numérique

En mai 2022, le Canada a annoncé le dépôt d’une demande officielle d’adhésion à l’APEN, le tout premier accord au monde à traiter uniquement de commerce numérique[16]. En devenant signataire de cet accord flexible et évolutif, le Canada se positionnerait comme leader de l’économie numérique mondiale et s’assurerait une « [place de] premier plan [dans] l’élaboration de règles internationales[17] ». Autrement dit, les règles entourant le commerce fondé sur le numérique seraient plus claires pour les entreprises du pays, qui verraient de surcroît s’ouvrir des débouchés[18]. L’APEN compte actuellement trois parties : la Nouvelle-Zélande, le Chili et Singapour. Par sa demande d’adhésion, le Canada cherche à renforcer la mobilisation internationale en matière de commerce numérique et à utiliser cet accord flexible pour « aborder les questions d’économie numérique en pleine évolution qui intéressent les entreprises, les travailleurs et les consommateurs[19] ». Vu sa flexibilité, l’APEN pourra facilement croître et demeurer pertinent; notons que la Corée du Sud, un acteur économique de taille sur le plan technologique, a également exprimé le souhait d’y adhérer[20].

L’APEN comporte des similitudes avec les chapitres de l’ACEUM et du PTPGP consacrés au commerce numérique. Il traite de questions liées à l’échange de données, à la protection des données et à la confiance des consommateurs, en plus d’incorporer les chapitres du PTPGP ayant trait, entre autres, au traitement non discriminatoire, à la cohérence réglementaire et au commerce transfrontières[21].

Cependant, contrairement aux autres, l’APEN est un « accord évolutif », ce qui permet de la mettre à jour ou de le modifier de façon continue[22]. En effet, un comité mixte formé de représentants de chacun des États signataires peut le modifier par consensus[23]. Ce comité examine toutes les questions touchant l’application, le fonctionnement ou la modification de l’APEN[24]. Ainsi, les parties n’ont pas besoin de négocier, de signer, de ratifier et de mettre en œuvre un nouveau libellé pour chaque ajout ou changement[25]. La flexibilité inhérente à l’APEN est particulièrement avantageuse dans le contexte de l’évolution rapide du paysage numérique et le rend moins susceptible que d’autres d’être rapidement frappé d’obsolescence par les avancées technologiques.

De mars à mai 2021, le Canada a tenu des consultations publiques sur son adhésion éventuelle à l’APEN. Les intervenants de l’industrie, les ONG, les provinces et les territoires ainsi que les groupes traditionnellement sous-représentés ont été encouragés à s’exprimer sur le sujet[26]. Les parties à l’APEN ont depuis créé un groupe de travail pour le Canada afin d’entamer les négociations d’adhésion[27].

La politique modèle de commerce numérique international du Canada

Le 15 juillet dernier, le Canada a lancé une consultation publique en vue d’élaborer la Politique modèle. Les participants pouvaient s’exprimer sur des sujets tels :

  • les cadres de transactions électroniques;
  • l’interdiction de droits de douane sur les produits numériques transmis par voie électronique;
  • le transfert transfrontalier d’informations par voie électronique;
  • les données gouvernementales ouvertes;
  • les politiques en matière de concurrence;
  • la protection des renseignements personnels[28].

Bon nombre de ces sujets figurent déjà dans l’ACEUM, le PTPGP et l’APEN. Selon toute vraisemblance, la Politique modèle ressemblera à l’ACEUM et au PTPGP, mais certains des sujets envisagés sont nouveaux et potentiellement controversés; il est notamment question de la prévention de la prolifération de la désinformation en ligne, des subventions et de l’élimination des lacunes en matière d’infrastructures et du fossé numérique, l’objectif étant d’améliorer l’accès aux ressources numériques dans toutes les régions du monde.

Affaires mondiales Canada avait donné au public jusqu’au 13 septembre 2022 pour commenter la Politique modèle envisagée. Cette consultation donnait aux entreprises et aux acteurs sectoriels du pays une excellente occasion de guider l’établissement des politiques canadiennes de commerce numérique, dont la Politique modèle, qui façonnera les accords, les obligations et les partenariats internationaux.

TRC-Sadovod continuera de suivre de près les démarches d’élaboration des politiques de commerce numérique du Canada et ne manquera pas de vous tenir au courant.

par Lisa Page, Jonathan O’Hara et Adelaide Egan (stagiaire en droit)

[1] « Les achats en ligne des Canadiens en 2020 : Résultats de l’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet » (22 juin 2021), en ligne : Statistique Canada – Statistiques sur l’économie et la société numériques.
[2] « Commerce numérique » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne : Organisation de coopérationet de développement économiques.
[3] « Contexte : Élaboration d’un accord type canadien sur le commerce numérique » (date de modification : 31 mars 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[4] « Commerce numérique » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne : Organisation de coopération et de développement économiques.
[5] « Commerce numérique » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne : Organisation de coopération et de développement économiques.
[6] Par exemple, les États-Unis et le Mexique se sont entendus sur le chapitre relatif au commerce numérique du nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique. Voir l’« Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[7] « Le commerce numérique dans les accords commerciaux de l’UE » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne : Commission européenne.
[8] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.7; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.7.
[9] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.14; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.15.
[10] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.8; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.8.
[11] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.15; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.16.
[12] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.16; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.17.
[13] Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada, États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018, CTS 2020/5, 2020/6, art. 19.3 et 19.4; Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, Australie, Canada, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Singapour, Vietnam et Pérou, 8 mars 2018, art. 14.3 et 14.4.
[14] Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 30 octobre 1947, article II et article III, RTNU 187 (entré en vigueur le 1er janvier 1948), art. 1.
[15] « Résumé du chapitre sur le commerce numérique » (date de modification : 17 juin 2019), en ligne.
[16] Rachelle Taheri, Olivia Adams et Pauline Stern, «  DEPA: The World’s First Digital- Only Trade Agreement » (7 octobre 2021), en ligne : Fondation Asie Pacifique du Canada.
[17] « Contexte : Adhésion éventuelle du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 25 août 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[18] « La ministre Ng annonce la demande d’adhésion du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 22 mai 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[19] « La ministre Ng annonce la demande d’adhésion du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 22 mai 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[20] Rachelle Taheri, Olivia Adams et Pauline Stern, «  DEPA: The World’s First Digital-Only Trade Agreement » (7 octobre 2021), en ligne : Fondation Asie Pacifique du Canada; voir aussi « Korea leading in technologies that have potential for future growth, says OECD » (date de consultation : 1er novembre 2022), en ligne.
[21] « Contexte : Adhésion éventuelle du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 25 août 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[22] « Contexte : Adhésion éventuelle du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 25 août 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[23] Accord de partenariat pour l’économie numérique, Chili, Nouvelle-Zélande et Singapour, 12 juin 2020, art. 12.1.
[24] Accord de partenariat pour l’économie numérique, Chili, Nouvelle-Zélande et Singapour, 12 juin 2020, art. 12.2.
[25] Laura Barnett, « Le processus de conclusion des traités au Canada » (1er avril 2021), en ligne : Bibliothèque du Parlement.
[26] « La ministre Ng annonce la demande d’adhésion du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 22 mai 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[27] « Contexte : Adhésion éventuelle du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique » (date de modification : 25 août 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.
[28] « Contexte : Élaboration d’un accord type canadien sur le commerce numérique » (date de modification : 31 mars 2022), en ligne : Gouvernement du Canada.

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

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par Lisa Page, Jonathan O’Hara et Adelaide Egan (stagiaire en droit)

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