Le gouvernement du Québec rend obligatoire la divulgation des contrats de prête-nom
Le gouvernement du Québec rend obligatoire la divulgation des contrats de prête-nom
Les contrats de prête-nom sont fréquemment utilisés dans les transactions immobilières commerciales pour diverses raisons non liées à la fiscalité, et parfois, un titre de propriété d’un immeuble peut être inscrit sous le nom d’une société prête-nom (propriétaire apparent), alors que le véritable titre de propriété dudit immeuble est détenu par une personne ou une entité distincte (propriétaire véritable). Un contrat de prête-nom permet à une partie (le mandant) de conférer un mandat à une autre partie (le prête-nom) d’agir en son nom. Ainsi, le prête-nom conclut généralement des contrats avec des tiers pour le compte du mandant, mais sans nécessairement dévoiler aux tiers le fait qu’il agit pour le compte d’un mandant dont l’identité n’est pas divulguée.
Le 17 mai 2019, le Ministère des Finances du Québec a publié le Bulletin d’information 2019-5 annonçant de nouvelles exigences de divulgation relativement aux contrats de prête-nom. La législation proposée a été par la suite publiée le 7 novembre 2019 et sanctionnée le 24 septembre 2020.
Ces nouvelles règles exigeront que les parties à un contrat de prête-nom conclu dans le cadre d’une transaction, ou d’une série de transactions, divulguent l’information suivante à Revenu Québec, par la complétion et la transmission du formulaire TP‑1079.PN :
- la date du contrat de prête-nom;
- l’identité des parties au contrat de prête-nom;
- une description complète des faits de la transaction ou de la série de transactions relatifs au contrat de prête-nom;
- l’identité de toute personne ou entité à l’égard de laquelle cette transaction ou série de transactions a des conséquences fiscales;
- tout autre renseignement demandé aux termes dudit formulaire.
Il convient de souligner que la description des faits doit être suffisamment détaillée pour permettre au Ministre d’analyser la transaction ou la série de transactions et d’obtenir une juste compréhension des conséquences fiscales s’y rapportant.
Bien qu’il existe encore une certaine incertitude entourant la question de savoir ce que constituent des « conséquences fiscales », nous nous attendons à ce qu’un large éventail de transactions soit considéré comme donnant lieu à des « conséquences fiscales », et Revenu Québec a déjà indiqué qu’il interpréterait le sens de l’expression « conséquences fiscales » de façon très large. Revenu Québec a aussi confirmé que cette expression renvoie à des conséquences liées à l’impôt sur le revenu en vertu de la Loi sur les impôts du Québec, et qu’elle n’engloberait donc pas les conséquences liées aux taxes indirectes ou aux droits de mutation immobilière. Alors que certains peuvent prétendre que la conclusion d’un contrat de prête-nom aux termes duquel une partie ne fait que consentir à détenir un titre de propriété à l’égard d’un immeuble véritablement détenu par une autre personne ou entité n’entraînerait pas de conséquences fiscales, puisque lesdites conséquences fiscales, le cas échéant, seraient essentiellement les mêmes que celles qui résulteraient de la détention d’un titre de propriété par une seule et même personne, réunissant ainsi les qualités de propriétaire apparent et de propriétaire véritable, il semble que Revenu Québec n’accepterait pas une telle interprétation. En effet, en se fondant sur un exemple de ce que Revenu Québec considère comme une conséquence fiscale (précisément dans un cas où le prête-nom détient un titre de propriété apparent à l’égard d’un immeuble locatif et où le propriétaire véritable (mandant) perçoit le loyer et engage des dépenses à l’égard de l’immeuble), il est probable que tous les contrats de prête-nom relatifs à l’acquisition ou à la détention d’un immeuble situé au Québec devraient faire l’objet d’une divulgation. De plus, si l’immeuble est situé hors du Québec, mais que le prête-nom ou le propriétaire véritable est assujetti à l’impôt sur le revenu du Québec, le contrat de prête-nom visé devrait faire l’objet d’une divulgation.
Ces règles s’appliquent à tous les contrats de prête-nom conclus après le 16 mai 2019, mais elles s’appliqueront également aux contrats de prête-nom conclus avant le 17 mai 2019, si les conséquences fiscales de la transaction ou des transactions pertinentes auxquelles se rapporte le contrat de prête-nom se poursuivent après le 16 mai 2019.
La divulgation doit être produite au plus tard (i) 90 jours suivant la conclusion du contrat de prête-nom et (ii) le 23 décembre 2020, pour les contrats de prête-nom conclus à tout moment avant le 24 septembre 2020. Le défaut de se conformer aux exigences de divulgation donnera lieu à l’imposition de pénalités. La pénalité est de 1 000 $, plus une pénalité additionnelle de 100 $ par jour où la divulgation n’est pas produite, et ce, à compter du deuxième jour du défaut, jusqu’à une pénalité additionnelle maximale de 5 000 $. De façon plus importante, le défaut de se conformer à ces exigences donnera lieu à la suspension du délai de prescription autrement applicable à une ou plusieurs transactions. Cette suspension permettrait à Revenu Québec de cotiser de nouveau l’impôt, les intérêts et les pénalités aux parties intervenues à un contrat de prête-nom, et ce, même si la période normale de nouvelle cotisation est expirée; toutefois, la nouvelle cotisation doit raisonnablement être considérée comme se rapportant aux conséquences fiscales découlant de la transaction ou des transactions auxquelles le contrat de prête-nom se rapporte.
Considérant l’application large de ces règles, les parties devraient réviser leurs contrats de prête-nom afin de déterminer si elles sont assujetties à ces exigences de divulgation.
par Michel Ranger et Michael Hassar
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
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