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La Cour d’appel de l’Ontario examine les éléments nécessaires pour le dépôt d’une réclamation contre les administrateurs d’une société dans le contexte d’une poursuite pour congédiement injustifié

9 mars 2021 Bulletin Droit du travail et de l’emploi Lecture de 4 min

Dans la décision rendue récemment dans l’affaire Abbasbayli v. Fiera Foods Company[1], la Cour d’appel de l’Ontario fournit une orientation utile concernant les diverses circonstances dans lesquelles les administrateurs peuvent devenir personnellement responsables du salaire et de l’indemnité de vacances impayés dans les cas de congédiement injustifié.

Contexte

L’appelant (« M. Abbasbayli » ou le « demandeur ») a été employé par les défenderesses, Fiera Foods Company, Bakery Deluxe Company et 2168587 Ontario Ltd (collectivement, « Fiera Foods ») de l’année 2002 jusqu’au 26 mars 2018, moment où il a fait l’objet d’un congédiement motivé après avoir été accusé d’avoir pointé pour un collègue. M. Abbasbayli a prétendu que son congédiement était une mesure de représailles et a intenté une poursuite contre Fiera Foods et deux administrateurs, réclamant des dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, une indemnité de vacances non payée en vertu de l’article 81 de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») et de l’article 131 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (la « LSA »), ainsi qu’un redressement en raison d’abus en vertu de l’article 248 de la LSA.

Les défenderesses ont présenté une requête afin d’invalider certaines parties de la déclaration de M. Abbasbayli, faisant valoir que ces dernières ne divulguaient pas une cause d’action raisonnable, qu’elles présentaient des éléments de preuve et qu’elles étaient non pertinentes et incendiaires.

Décision du juge de la requête

Le juge de la requête a invalidé certains éléments de l’acte de procédure et a tiré les principales conclusions suivantes :

  • Abbasbayli a omis de présenter les faits importants nécessaires pour établir une cause d’action raisonnable en vertu de l’article 131 de la LSA et de l’article 81 de la LNE;
  • Abbasbayli a omis de présenter les faits importants nécessaires pour appuyer son allégation d’abus en vertu de l’article 248 de la LSA, car il n’a pas abordé ses attentes raisonnables à l’égard de la conduite des administrateurs et la façon dont ces attentes ont été violées par la conduite abusive de la société. M. Abbasbayli a toutefois obtenu l’autorisation de modifier sa plaidoirie.

Décision de la Cour d’appel

Bien que la Cour d’appel ait confirmé la décision du juge de la requête concernant l’article 81 de la LNE, elle a infirmé la décision du juge de la requête concernant l’article 131 de la LSA. La Cour d’appel a également convenu que M. Abbasbayli devrait avoir l’autorisation de modifier sa déclaration afin de poursuivre l’allégation d’abus en vertu de l’article 248 de la LSA.

Art. 81 de la LNE

La Cour d’appel a convenu qu’un administrateur ne peut être conjointement et individuellement responsable du salaire que si certaines conditions préalables sont remplies. Étant donné que l’appelant n’a pas présenté de faits importants pour satisfaire aux conditions préalables prévues par l’article 81 de la LNE, sa demande n’avait aucune chance raisonnable d’être accueillie. Plus précisément, en vertu de l’article 81 de la LNE, un administrateur n’est responsable du salaire impayé d’un employé que si l’employé a fait déposer une réclamation de salaire impayé auprès du séquestre ou du syndic de faillite de l’employeur (en vertu de l’al. 81(1)a)); si un agent des normes d’emploi a pris une ordonnance portant que l’employeur ou un administrateur est responsable du versement (en vertu des al. 81(1)b) et c); ou si la Commission des relations de travail de l’Ontario a rendu, modifié ou confirmé une telle ordonnance (en vertu de l’al. 81(1)d)).

Recours en vertu de la LSA

Contrairement à son avis concernant l’art. 81 de la LNE, la Cour d’appel a conclu que le demandeur avait plaidé une cause d’action raisonnable en vertu de l’art. 131 de la LSA. L’article 131 prévoit que les administrateurs sont responsables jusqu’à concurrence de six mois de salaire ainsi que des indemnités de vacances accumulées pour une période maximale de douze mois si : a) la société est poursuivie et la saisie‑exécution pratiquée ne satisfait pas à la totalité du montant en cause; b) la société est partie à certaines procédures d’insolvabilité et la réclamation de l’employé a été prouvée.

Dans l’affaire Abbasbayli, le demandeur a demandé une indemnité de vacances de trois semaines, ce qui permettait que les administrateurs deviennent responsables. Toutefois, la Cour d’appel a souligné que la responsabilité en vertu de l’article 131 n’existerait pas jusqu’à ce qu’il soit démontré que la société n’a pas satisfait à un jugement à cet égard.

Enfin, la Cour d’appel a confirmé la décision du juge de la requête de permettre au demandeur de modifier son acte de procédure pour y inclure l’allégation d’abus. Bien que la Cour ne se soit pas prononcée sur le bien‑fondé de sa cause, elle a fourni une orientation utile concernant le moment où un ancien employé qui n’est pas actionnaire pourrait avoir l’autorisation d’exercer un recours en cas d’abus. Après avoir relevé plusieurs cas où il a été jugé qu’un employé qui n’est pas actionnaire avait la qualité requise pour exercer un recours en cas d’abus, par exemple lorsque la conduite d’un administrateur empêche le paiement d’un salaire ou le paiement de dommages‑intérêts pour congédiement injustifié, la Cour d’appel a souligné que le congédiement injustifié, à lui seul, ne conférera pas souvent la qualité requise pour l’exercice d’un recours en cas d’abus.

Afin d’établir une cause d’action raisonnable dans un cas d’abus, une partie doit préciser ses attentes raisonnables à l’égard des administrateurs (en tant que partie prenante) et énoncer les faits importants expliquant comment ces attentes ont été violées par la conduite abusive de la société. Il ne suffit pas qu’un administrateur ait « ordonné » à l’entreprise de congédier une partie à tort.

Points à retenir pour les employeurs

La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Abbasbayli réitère utilement certaines des considérations fondamentales liées à la responsabilité personnelle potentielle des administrateurs en cas de salaire impayé, d’indemnité de vacances impayée ou de congédiement injustifié. La Cour a laissé la porte ouverte à des réclamations conjointes à la fois contre les sociétés et leurs administrateurs pour des salaires ou des indemnités de vacances impayés, en vertu de l’article 131 de la LSA, tout en précisant clairement que des réclamations semblables en vertu de l’article 81 de la LNE ne sont autorisées que dans des circonstances très limitées.

Enfin, la décision rendue dans l’affaire Abbasbayli réitère que le simple congédiement injustifié ne justifiera probablement pas un recours pour abus. Néanmoins, la Cour d’appel a laissé la possibilité aux employés qui ne sont pas actionnaires de faire des allégations d’abus dans des circonstances limitées.

Même si les réclamations que présentent d’anciens employés contre des administrateurs de sociétés seront dans bien des cas dénuées de fondement, les administrateurs doivent néanmoins rester prudents quant aux risques qu’ils courent en vertu de la LSA et de la LNE.

[1] 2021 ONCA 95.

par Kyle Lambert et Marie-Eve Jean

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

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