Une nouvelle obligation de diligence pour les gestionnaires de fonds d'investissement? Six leçons à tirer de l'arrêt Wright v. Horizons - TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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Une nouvelle obligation de diligence pour les gestionnaires de fonds d’investissement? Six leçons à tirer de l’arrêt Wright v. Horizons

Septembre 2020 Bulletin du groupe Marché des capitaux et Fusions et acquisitions Lecture de 13 min

Un récent arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (« CAO »), Wright v. Horizons ETFS Management (Canada) Inc., a fait couler beaucoup d’encre dans le milieu des fonds d’investissement et de la gestion d’actifs. Il laisse entrevoir la possibilité d’une nouvelle obligation de diligence de common law pour les gestionnaires de fonds d’investissement. L’arrêt conclut en outre que les investisseurs de fonds négociés en bourse (« FNB ») peuvent intenter des poursuites pour présentation inexacte des faits dans un prospectus en vertu du régime de responsabilité civile sur le « marché primaire » en application de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) (« Loi sur les valeurs mobilières »). Il s’agit d’un élément important, car les investisseurs qui achètent des parts de FNB à la bourse ne savent généralement pas s’ils les achètent sur le marché primaire ou secondaire.

Les questions examinées dans Horizons soulèvent de nombreux points de discussion qui ne sont pas simples. Ce bulletin présente les principaux éléments factuels soulevés jusqu’ici dans les procédures et énonce six leçons à retenir pour les acteurs du secteur en attendant la suite de l’affaire.

UN RÉSUMÉ DE L’AFFAIRE

Le Fonds Horizons

Horizons met en cause un FNB d’une grande complexité (le « Fonds Horizons »), conçu pour offrir une exposition inverse à la volatilité des marchés boursiers (représentée par le rendement quotidien de l’indice de volatilité contrats à court terme S&P 500 VIXMC). Sa stratégie de placement consistait en un rééquilibrage quotidien et, à l’instar de nombreux FNB, une gestion passive. Les frais associés au rééquilibrage étaient tributaires de la volatilité des marchés. Ils avaient la capacité d’annuler, en un seul jour de bourse, les gains cumulés pendant des mois, voire des années. Le prospectus du Fonds Horizons mettait explicitement en garde les investisseurs quant à la nécessité de surveiller leur placement quotidiennement et quant au risque qu’une partie importante des sommes investies ne puisse être récupérée. Le 5 février 2018, la valeur du Fonds Horizons a brusquement chuté de 81 %; le prix payé par les investisseurs qui ont acheté leurs parts ce jour-là était donc exagéré. Le Fonds Horizons ne s’en est jamais remis et a finalement été dissous. Dans son communiqué annonçant la dissolution, le gestionnaire Horizons ETFs Management (Canada) Inc. (le « gestionnaire ») a déclaré ne pas vouloir offrir un produit qui avait le « [Traduction] potentiel de faire perdre à un investisseur la totalité de son capital en peu de temps » et que « le rapport risque/avantage du fonds n’était plus acceptable pour les investisseurs ».

Les allégations — Négligence et présentation inexacte des faits

Un recours collectif a été intenté par un représentant investisseur du Fonds Horizons, Graham Wright. Ce dernier avait vendu ses parts du Fonds Horizons le 6 février 2018 et ce faisant, avait perdu environ 210 000 $. Il allègue que le gestionnaire a fait preuve de négligence en vertu de la common law et a présenté les faits de façon inexacte dans le prospectus, engageant ainsi sa responsabilité civile sur le « marché primaire » en application de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. Il convient de souligner que ni le tribunal de première instance ni la CAO ne s’est prononcé sur le bien-fondé de ces allégations; leur examen s’est limité à la certification du recours collectif.

L’exposé de la demande de Graham Wright comprenait les demandes suivantes :

  • Une demande fondée sur la négligence – selon laquelle le gestionnaire a manqué à son obligation de diligence dans la conception, la commercialisation et la gestion du Fonds Horizons;
  • Une demande fondée sur la présentation inexacte des faits – selon laquelle le gestionnaire n’a pas communiqué convenablement les risques associés à la stratégie de placement du Fonds Horizons ainsi que ses méthodes d’évaluation, notamment le fait que la valeur intrajournalière des opérations pouvait être inexacte et que la valeur du Fonds pouvait chuter de façon précipitée après la clôture des marchés.

Plus précisément, la demande fondée sur la négligence fait valoir que le gestionnaire a manqué à son obligation de diligence en prenant ou en omettant de prendre les mesures suivantes :

  • il a conçu et élaboré un fonds qu’il savait ou aurait dû savoir extrêmement complexe, risqué et [Traduction] « voué à l’échec »;
  • il a offert le Fonds Horizons à des investisseurs individuels et en a fait la promotion auprès de ce type d’investisseurs, tout en sachant que la structure du Fonds présentait des défauts de conception et que le Fonds ne disposait d’aucune stratégie de placement cohérente, ce qui ne permettait pas d’offrir aux investisseurs un rapport risque/avantage raisonnable;
  • il a omis d’expliquer convenablement la nature et l’ampleur des risques inhérents à un placement dans le Fonds Horizons;
  • il a omis d’exercer ses pouvoirs de gestionnaire pour atténuer les risques et les pertes pour les investisseurs.

Achat de titres de FNB — Marché primaire et marché secondaire

Un investisseur ne peut acheter des parts de FNB que sur le marché boursier par l’entremise d’un courtier; il lui est impossible de les souscrire directement auprès de l’émetteur. Les titres de FNB qu’un investisseur peut acheter sur le marché boursier sont les suivants :

  • des titres nouveaux souscrits pour la première fois par l’entremise d’un courtier dans le cadre d’un accord de placement permanent; cela constitue les achats sur le « marché primaire » (appelées « Creation Units » dans Horizons [« nouvelles parts »]);
  • des titres de FNB qui ont déjà été mis en circulation (soit à partir des stocks de parts d’un courtier, soit d’autres porteurs de parts par l’entremise d’un courtier); cela constitue les achats sur le « marché secondaire ».

Les deux types de titres de FNB coexistent sur le marché boursier et, comme le fait observer la Cour supérieure de justice de l’Ontario, il est difficile de les distinguer. Selon la CAO, la preuve déposée devant elle ne permet pas d’établir clairement si le gestionnaire, les courtiers ou toute autre personne étaient en mesure de faire la distinction entre les ventes de nouvelles parts et celles de parts qui étaient déjà en circulation.

La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario

Après avoir entendu les parties, le juge Perell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la motion en certification du recours collectif ainsi que la demande elle-même.

Plus précisément :

  • Par rapport à la demande fondée sur la négligence, le juge de première instance conclut qu’il n’existait à ce titre aucune cause d’action à faire valoir, puisque le gestionnaire a respecté son engagement envers les investisseurs en offrant un produit dont le rendement était conforme à ses documents d’information. Il ajoute que, de toute façon, des raisons de principe plaident contre un élargissement de l’obligation de diligence du gestionnaire, ce que cherche à obtenir le demandeur.
  • Par rapport à la demande fondée sur la présentation inexacte des faits, le juge de première instance conclut que l’action ne peut reposer sur le régime de responsabilité civile du « marché primaire » en application de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières, parce que les titres du Fonds Horizons ont été offerts sur le marché boursier (marché secondaire) et n’ont pas été offerts directement aux investisseurs (marché primaire). La demande aurait plutôt dû se fonder sur le régime de responsabilité civile s’appliquant sur le « marché secondaire » en application de l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières.

Les demandes fondées sur l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières présentent des avantages par rapport à celles fondées sur l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières. En effet, dans ce dernier cas, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de poursuivre. De plus, un plafond est imposé aux dommages-intérêts recouvrables, et la partie déboutée est condamnée aux dépens.

La décision de la Cour d’appel

La CAO accueille l’appel en partie. Elle est d’avis que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la demande ne comporte aucune cause d’action raisonnable. Elle lui renvoie l’affaire pour qu’il statue sur les critères de certification qui n’ont pas été examinés.

Pour rendre sa décision, la CAO suppose que l’ensemble des allégations factuelles est avéré.

L’analyse juridique que fait la CAO de la demande fondée sur la négligence est complexe. La perte en lien avec cette demande était purement économique, ce qui est différent des demandes à ce titre qui se rapportent à des lésions corporelles ou à des dommages matériels. En fait, il n’existe pas de consensus au sein de la communauté juridique sur la question de savoir si les demandes fondées sur une perte purement économique devraient être permises (pour des motifs qui vont bien au-delà de la portée de ce bulletin).

En résumé, l’analyse juridique d’une demande fondée sur la perte purement économique comporte deux volets :

  1. Le tribunal doit d’abord déterminer si la demande relève d’une catégorie d’obligation de diligence déjà reconnue ou d’une catégorie analogue.
  2. S’il répond par la négative, le tribunal doit être convaincu de l’existence d’une obligation de diligence prima facie. Le cas échéant, il doit évaluer si des considérations de principe viennent écarter l’imposition de cette obligation (notamment si le demandeur peut se prévaloir d’autres recours ou si on risque d’imposer une responsabilité illimitée à un nombre illimité de personnes).

La CAO conclut que l’échec de la demande fondée sur la négligence n’était pas évident et manifeste à l’égard des deux volets de l’analyse décrits précédemment. Elle arrive à la conclusion que cette demande a des chances de relever d’une catégorie d’obligation de diligence déjà reconnue, soit la prestation négligente d’un service. La Cour affirme en outre que, même si son opinion est mal fondée, une nouvelle obligation de diligence prima facie en cas de prestation négligente d’un service pourrait être reconnue, et qu’il n’est pas « évident et manifeste » que l’imposition de cette obligation serait écartée par des considérations de principe.

En tirant cette conclusion, la CAO insiste sur l’obligation d’origine législative qui incombe au gestionnaire d’agir avec honnêteté, de bonne foi et au mieux des intérêts du fonds et de faire preuve de la prudence, de la diligence et de la compétence dont ferait preuve une personne d’une prudence raisonnable placée dans des circonstances semblables. La CAO souligne que les éléments suivants sont susceptibles de constituer des violations de l’obligation de diligence du gestionnaire : son omission concernant la communication des renseignements essentiels relatifs au risque et/ou du fait que le Fonds Horizons était voué à l’échec et son omission touchant l’élaboration d’une stratégie viable pour le Fonds.

En ce qui concerne la demande fondée sur la présentation inexacte des faits, la CAO ne souscrit pas à la conclusion du juge Perell selon laquelle tous les membres du recours collectif doivent être considérés comme des acheteurs du marché secondaire. Selon elle, il est possible que certains d’entre eux aient acheté des « nouvelles parts ». L’exposé de la demande n’invoquait toutefois pas les faits nécessaires pour permettre au demandeur d’intenter à bon droit un recours en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. La Cour lui a donc accordé l’autorisation de modifier sa demande en conséquence.

SIX LEÇONS À RETENIR

1. Il ne s’agit pas d’un examen du fond de l’affaire.

Comme nous l’indiquons précédemment, la CAO n’a pas exprimé d’opinion sur le bien-fondé de la demande. Par conséquent, l’incidence de ses conclusions sur l’évolution du droit n’est pas connue à l’heure actuelle. Le seuil d’application des critères à remplir pour avoir gain de cause dans une action en certification de recours collectif est peu élevé. Dans sa décision, la CAO examine uniquement si le demandeur a des chances d’établir ses allégations, supposant que les éléments factuels sont véridiques, et si l’échec de la demande est « évident et manifeste »; en d’autres mots, il s’agit de déterminer si la demande contient un vice fondamental.

Par conséquent, la décision de la CAO n’établit aucune obligation de diligence prima facie à l’égard des gestionnaires de fonds d’investissement, mais la porte est désormais ouverte pour le faire. L’appréciation du fond de l’affaire mènera peut-être à la conclusion qu’il existe des considérations de principe qui excluent la reconnaissance d’une obligation de diligence prima facie. Il faudra donc attendre les prochaines décisions sur la question afin de déterminer si cette nouvelle obligation de diligence est bel et bien établie et, le cas échéant, quelles en sont les conséquences concrètes.

2. La divulgation est importante.

Quelle que soit l’issue de cette cause, la divulgation a toujours été importante et elle le demeurera. En plus de s’assurer que les documents d’information d’un fonds sont suffisamment détaillés et complets et n’emploient pas de formules passe-partout, les éléments suivants, soulevés dans Horizons, sont à prendre en compte lors de la révision de documents d’information, surtout s’il s’agit de fonds complexes :

  • Les méthodes d’évaluation employées pour le calcul de la valeur liquidative du fonds sont-elles inhabituelles et devraient-elles être accompagnées de renseignements supplémentaires et plus précis?
  • La conception du fonds et sa stratégie de négociation présentent-elles des risques uniques ou inhabituels que l’investisseur individuel « moyen » pourrait ne pas comprendre ou auxquels cet investisseur pourrait ne pas s’attendre et qui devraient être explicitement divulgués?
  • Le fonds convient-il uniquement à certains investisseurs qui sont en mesure de comprendre et de suivre une stratégie de négociation complexe; le cas échéant, comment faire pour communiquer cela clairement dans les documents d’information du fonds?
  • Y a-t-il une différence entre la façon dont le fonds réalise ses gains et celle dont il subit ses pertes (p. ex, des gains graduels, mais des pertes rapides)? La valeur du fonds peut-elle chuter considérablement en peu de temps et les risques sont-ils suffisamment divulgués? Les investisseurs ont-ils une occasion raisonnable de retirer leur placement du fonds?

Il est intéressant de remarquer que les risques inhabituels et particuliers que présentait le Fonds Horizons étaient mentionnés explicitement dans ses documents d’information. Notamment, les investisseurs étaient avertis que par le passé, l’indice avait enregistré des hausses importantes sur une période d’un jour lorsque les marchés boursiers enregistraient des rendements négatifs importants et que si cela se répétait, le fonds pourrait subir des pertes très importantes. Le prospectus mentionnait en outre que le recours à des instruments dérivés pouvait entraîner rapidement des pertes importantes ainsi que des gains importants, ces pertes pouvant réduire « considérablement » la valeur liquidative du fonds. Les documents d’information signalaient que le fonds était destiné à « des avertisseurs avertis [qui] s’en servent dans le cadre de leurs stratégies de négociation quotidiennes ou à court terme ». Selon l’exposé de la demande, la divulgation effectuée par le fonds était inadéquate. Comme nous l’observons précédemment, jusqu’à l’audience sur le fond, il sera impossible de savoir si les tribunaux seront du même avis. En attendant, les gestionnaires de fonds auraient tout de même avantage à revoir et peut-être à bonifier leurs documents d’information en gardant à l’esprit cette allégation.

3. Attention : divulguer pourrait ne plus suffire

La conclusion qui mérite sans doute le plus qu’on s’y attarde est celle selon laquelle le seul fait de concevoir et de gérer un fonds d’investissement qui effectue des opérations et atteint des résultats conformes à ce qui est décrit dans ses documents d’information pourrait ne plus être suffisant pour conclure que le gestionnaire du fonds s’est acquitté de son obligation de diligence. Créer un fonds qui ne convient à « aucun » investisseur en raison de vices de conception qui le rendent « voué à l’échec » est décrit par la CAO comme un possible manquement à l’obligation de diligence qui incombe au gestionnaire de fonds. Il semble improbable qu’une majorité de fonds d’investissement comportent des « vices de conception » qui les rendent « voués à l’échec ». La question demeure toutefois : existe-t-il d’autres formes de « vices de conception » susceptibles de constituer un manquement à l’obligation de diligence?

Plus important encore, la décision de la CAO ouvre la porte à la possibilité que même une divulgation « parfaite » ne soit pas suffisante. Selon la façon dont la jurisprudence évolue, les gestionnaires de fonds souhaiteront peut-être procéder à une évaluation de la « conception » de leur fonds, notamment les aspects suivants :

  • Comment le rendement du fonds réagit-il aux diverses conjonctures et quels facteurs influent sur le rendement?
  • Est-ce que seuls les investisseurs avertis seront en mesure de comprendre les paramètres de rendement du fonds?
  • Est-ce que le fonds présente un rapport risque/avantage acceptable pour les investisseurs?
  • Existe-t-il des risques inhérents au fonds qui feraient qu’il ne convient à « aucun » investisseur et qu’il prête le flanc à des allégations portant qu’il est « voué à l’échec »?
  • Les stratégies de placement du fonds sont-elles trop complexes ou présentent-elles des risques qui font qu’une gestion passive ne convient pas au fonds?

Hélas, en attendant l’évolution de la jurisprudence à cet égard, il sera difficile de préciser la meilleure façon de traiter concrètement les réponses à ces questions.

4. Remettre en question la signification de « gestion passive »

Le demandeur soutient qu’une obligation positive de prendre des mesures pour réagir à la baisse et à la volatilité des marchés incombait au gestionnaire, malgré le fait que le Fonds Horizons, à l’instar de nombreux FNB, était géré de façon passive. Si cette position est finalement retenue, les gestionnaires de fonds — et peut-être aussi les gestionnaires de portefeuille — pourraient être tenus responsables s’ils omettent de prendre des mesures concrètes pour atténuer les pertes dans certaines conditions. Concrètement, cela pourrait signifier qu’un gestionnaire pourrait devoir demander à la bourse de cesser la négociation dans certaines situations ou prendre des mesures pour gérer activement les placements d’un FNB. Cela modifierait en profondeur la façon dont les fonds passifs sont gérés. Il suffit d’imaginer l’incidence d’une telle obligation sur la gestion des fonds passifs lors de situations exceptionnelles, comme la pandémie de COVID-19. Les gestionnaires de fonds passifs auront avantage à surveiller attentivement l’évolution de cette question.

5. Marché primaire et marché secondaire

L’analyse de la demande fondée sur la présentation inexacte des faits dans Horizons a surtout porté sur la question de savoir si la demande pouvait être instruite selon le régime de responsabilité civile sur le « marché primaire », aux termes de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières, dans le cadre d’une vente de titres de FNB. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, le type de recours pouvant être intenté par un demandeur dépend du type de titres achetés, ce qui est problématique parce que, dans le cas des FNB, les investisseurs ne connaissent généralement pas le type de titres qu’ils achètent.

L’arrêt Horizons est important, car malgré cette difficulté, la CAO est d’avis que l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières pourrait s’appliquer aux achats de titres de FNB. Il ne sera sans doute pas facile de démontrer qu’un investisseur a acheté des « nouvelles parts » plutôt que des parts qui étaient déjà en circulation sur le marché secondaire et de remédier au fait que les investisseurs qui souhaitent se joindre au recours ne sont peut-être pas tous des acheteurs de « nouvelles parts ». La CAO a souligné que ces questions allaient être examinées au cours du litige, mais n’a pas vraiment fourni d’autres orientations à cet égard.

Outre le risque d’augmenter le nombre et les types de recours collectifs pour présentation inexacte des faits susceptibles d’être intentés contre des FNB, la décision Horizons soulève des questions d’ordre pratique que les intervenants du secteur voudront peut-être étudier de manière plus poussée. Par exemple, existe-t-il une façon concrète de savoir si les achats se font sur le marché primaire ou secondaire? Le cas échéant, les investisseurs pourraient-ils ou devraient-ils exercer un contrôle sur la façon dont les achats sont réalisés? Si on lui donne le choix, l’investisseur préférera sans doute souscrire des titres sur le marché primaire, pour les raisons mentionnées précédemment.

6. La question de savoir si le placement convient à l’investisseur mérite réflexion (elle ne concerne pas seulement les courtiers)

Une autre allégation complexe mise de l’avant dans Horizons concerne la responsabilité qu’encourt le gestionnaire pour avoir créé un fonds qui ne convenait à « aucun » investisseur. Si cet argument est retenu, cela pourrait être interprété comme imposant aux gestionnaires de fonds une forme d’obligation en matière de convenance envers les investisseurs. Une telle obligation, si elle devait être confirmée, pourrait avoir des répercussions importantes pour le secteur, en plus de soulever un certain nombre de questions délicates :

  • Quelles sont les limites de cette obligation? La responsabilité du gestionnaire de fonds serait-elle engagée uniquement dans le cas où il a créé un fonds qui n’est susceptible de convenir à « aucun » investisseur?
  • Comment cette obligation imposée au gestionnaire de fonds vient-elle étoffer l’obligation d’évaluer la convenance du placement qui incombe aux autres personnes ou sociétés inscrites?
  • Si les documents d’information d’un fonds énoncent clairement le fait que le fonds ne convient qu’à un certain type d’investisseurs, à qui incomberait la responsabilité si un investisseur qui ne répond pas aux critères énoncés investit tout de même dans le fonds? Quelles mesures peuvent prendre les intervenants du secteur pour atténuer ces risques?
  • Risque-t-on de nuire à la création de produits innovateurs en imposant aux personnes inscrites l’obligation de procéder à de nouvelles évaluations de la convenance d’un placement? Est-ce que cela pourrait faire que les investisseurs auront moins de choix de produits financiers à l’avenir?

Ces leçons cherchent à mettre en lumière les répercussions considérables que cette décision pourrait engendrer au sein du secteur. Non seulement les gestionnaires de fonds d’investissement pourraient être assujettis à de nouvelles obligations et se voir imposer de nouvelles responsabilités, mais ces modifications pourraient avoir des conséquences sur la façon dont les gestionnaires créent les produits, interagissent avec les autres intervenants du secteur et cherchent à répondre aux attentes des investisseurs. Malheureusement, à ce stade, l’affaire Horizons soulève davantage de questions qu’elle ne procure de réponse. Une demande d’autorisation de pourvoi a toutefois été déposée par le gestionnaire devant la Cour suprême du Canada, ce qui devrait permettre d’obtenir certaines clarifications. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la jurisprudence quant aux questions importantes que soulève cette affaire.

Nous vous invitons à communiquer avec un membre de l’équipe Fonds d’investissement et gestion d’actifs de TRC-Sadovod pour obtenir de plus amples renseignements.

par Jennie Baek et Leila Rafi

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder entièrement sur ce document pour prendre une décision, mais devait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

© TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020

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