Tarifs douaniers sur l’aluminium, prise 2? Voici ce qui est différent cette fois-ci.
Tarifs douaniers sur l’aluminium, prise 2? Voici ce qui est différent cette fois-ci.
Les États-Unis ont annoncé l’imposition d’un tarif douanier de 10 % aux importations d’aluminium brut non allié[1] en provenance du Canada à compter du 16 août 2020[2]. Cette annonce, qui a été faite un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur de l’Accord Canada-Mexique-États-Unis (l’« ACEUM »)[3], rétablit certains des tarifs imposés en 2018, puis éliminés en 2019. De son côté, le Canada se prépare à adopter des mesures de représailles le 16 septembre 2020, qui viseront davantage les produits en aluminium.
Un air de déjà vu
En juin 2018, les États-Unis ont imposé des tarifs douaniers de 10 % aux importations d’aluminium canadien et de 25 % aux importations d’acier canadien. Ces tarifs étaient prétendument justifiés par des motifs de sécurité nationale, en vertu de l’article 232 de l’US Trade Expansion Act de 1962. Le Canada (de concert avec le Mexique, lui aussi touché par des mesures similaires de la part des États-Unis) a contesté ces tarifs auprès de l’OMC.
En juillet 2018, au terme d’une brève période de consultation durant laquelle les parties intéressées pouvaient exprimer leurs préoccupations ou leur soutien relativement à diverses possibilités de contre-mesures, le Canada a riposté en imposant des surtaxes. Ces surtaxes, qui équivalent au montant estimatif des tarifs américains, visent une grande variété de produits importés des États-Unis, dont l’acier, l’aluminium et des produits de consommation comme le jus d’orange, le whisky et le détergent à vaisselle[4].
La trêve n’a été que temporaire
En mai 2019, les États-Unis et le Canada ont publié une déclaration conjointe (la « Déclaration conjointe ») dans laquelle ils convenaient d’éliminer les tarifs douaniers et les surtaxes[5]. Les deux parties ont par ailleurs convenu de mettre fin à tous les litiges en instance soumis à l’OMC à propos des tarifs et des mesures de représailles.
La Déclaration conjointe contenait deux réserves importantes. Premièrement, elle offrait encore aux États-Unis la possibilité d’imposer des droits « dans le cas où il se produirait une forte augmentation subite des importations de produits de l’aluminium et de l’acier portant le volume des échanges au-delà des volumes antérieurs pendant une longue période ». L’imposition des nouveaux tarifs américains visant l’aluminium invoque cette clause dérogatoire, même si les avis divergent à propos d’une forte hausse des importations de certains produits[6].
Deuxièmement, la Déclaration conjointe exige que les éventuelles mesures de rétorsion visent les secteurs touchés par les droits qui ont été imposés. Ainsi, contrairement à ce qu’on a observé en 2018, les représailles du Canada se limiteront à des contre-mesures visant les produits en aluminium et contenant de l’aluminium importés des États-Unis.
Le Canada souhaite recevoir sans délai des commentaires à propos des contre-mesures prévues en 2020
Le Canada a annoncé son intention d’agir « avec force » et d’imposer à titre de représailles des droits du même montant aux produits en aluminium et contenant de l’aluminium importés des États-Unis[7]. Les surtaxes visant certains produits prendront effet le 16 septembre 2020.
La période de consultation durant laquelle les entreprises touchées peuvent faire valoir leur point de vue sur la portée des contre-mesures prend fin le 6 septembre 2020. Au départ, le ministère des Finances a fourni une liste des produits en aluminium et contenant de l’aluminium susceptibles d’être assujettis à une surtaxe de 10 % (lien vers la liste). Cette liste comprend certains produits de consommation contenant de l’aluminium, comme les machines à laver le linge, les réfrigérateurs et les bicyclettes. Mais elle porte principalement sur les produits en aluminium qui sont des facteurs de production utilisables par les entreprises canadiennes dans divers secteurs – entreprises qui voudront peut-être s’assurer que le gouvernement prend pleinement en considération le préjudice pouvant résulter de ces surtaxes.
En 2018, certains produits (p. ex., la moutarde préparée, les fûts de bière et les voiliers) ont été retirés de la liste de produits visés par les représailles, à la lumière des commentaires reçus. Les entreprises et les secteurs intéressés ont jusqu’au 6 septembre 2020 pour soumettre des commentaires par écrit, qui doivent mentionner les préoccupations précises à propos des contre-mesures proposées (ou, le cas échéant, l’appui à ces mesures), en fonction de l’impact sur les intérêts économiques ou stratégiques canadiens.
Les entreprises qui prévoient importer des produits figurant sur la liste des produits en aluminium et contenant de l’aluminium visés par la surtaxe envisageront peut-être elles aussi d’importer les quantités dont elles ont besoin avant le 16 septembre pour éviter de payer des droits. Il faut noter que ces surtaxes ne s’appliqueront pas aux produits américains qui sont en transit vers le Canada en date du 16 septembre 2020.
Va-t-on offrir une exonération des droits de douane?
Toute contre-mesure qui sera imposée causera sans doute un problème aux entreprises canadiennes qui dépendent des importations en provenance des États-Unis. Ces entreprises pourraient bénéficier d’allégements, notamment grâce au Programme de remboursement des droits, au Programme d’exonération des droits et aux remises de droits prévues par la Loi sur le tarif des douanes. Le Programme de remboursement des droits permet le remboursement des surtaxes acquittées, et le Programme d’exonération des droits permet les demandes d’exonération des surtaxes à l’importation. Ces deux programmes sont accessibles uniquement lorsque les marchandises sont importées en vue d’une exportation subséquente, que ce soit en l’état ou après transformation. Les remises de droits prévues par la Loi sur le tarif des douanes permettent l’obtention d’une exonération ou d’un remboursement des droits lorsque les matériaux à importer ne peuvent être achetés à des producteurs canadiens[8].
Durant l’exercice 2018-2019, le ministère des Finances a reconnu l’impact négatif des surtaxes sur les entreprises canadiennes, et mis en place un processus révisé de demande de remise de droits, accompagné d’autres directives relatives à la présentation de ces demandes. Il a précisé que les demandes de remise seraient prises en considération dans les cas suivants :
- Lorsque l’offre est insuffisante sur le marché intérieur, que ce soit à l’échelle nationale ou régionale.
- Lorsque les entreprises canadiennes sont tenues, en vertu de leurs contrats existants, d’utiliser de l’acier ou de l’aluminium américain pour fabriquer leurs produits ou mener leurs projets.
- Au cas par cas, dans d’autres circonstances exceptionnelles pouvant avoir de graves répercussions sur l’économie canadienne.
En plus de satisfaire aux conditions susmentionnées, les demandes de remise doivent s’accompagner de renseignements détaillés : description des activités de l’entreprise; éléments démontrant son incapacité à se procurer le produit importé ou des substituts de ce produit auprès de fournisseurs canadiens ou non américains; information à propos de l’effet des remises sur l’emploi, le volume de production, les investissements ou d’autres aspects pertinents de ses activités.
Ce processus a pris fin après l’élimination des surtaxes en 2018-2019. Toutefois, il est probable que le ministère des Finances traitera de la même façon les demandes de remise liées aux nouvelles surtaxes sur l’aluminium.
Conclusions
Au cours des prochains mois, la situation économique du Canada et sa politique commerciale vont probablement présenter leur lot de problèmes et d’incertitude. Les entreprises canadiennes susceptibles d’être touchées par les tarifs américains visant l’aluminium et les contre-mesures du Canada ont quelques semaines pour essayer d’influer sur la réponse du Canada. Après cela, elles auront accès à des exonérations et des remises de droits dans des circonstances limitées. Les avocats de TRC-Sadovod spécialisés en droit commercial et l’équipe de TRC-Sadovod aVantage, spécialisée dans les relations avec les gouvernements, sont là pour aider les entreprises à se prévaloir de ces options.
par Jonathan O’Hara, Jamie Wilks, Mark Resnick et Tayler Farrell (stagiaire d’été)
[1] Les tarifs douaniers s’appliquent aux produits en aluminium importés sous le code SH 7601.10. Voir en ligne, ici et ici.
[2] Office of the United States Trade Representative, énoncé de la proclamation présidentielle, 6 août 2020, en ligne.
[3] Voir un de nos précédents bulletins, qui porte sur la mise en œuvre de l’ACEUM.
[4] Pour en savoir plus sur la réaction du Canada aux tarifs douaniers imposés par les États-Unis en 2018, voyez le bulletin que nous avons publié à ce sujet.
[5] Déclaration conjointe du Canada et des États-Unis concernant l’application de droits sur l’acier et l’aluminium au titre de l’article 232, en ligne; au même moment, les États-Unis et le Mexique annonçaient un accord parallèle. Voir la déclaration conjointe des États-Unis et du Mexique concernant l’application de droits sur l’acier et l’aluminium au titre de l’article 232, en ligne.
[6] Selon l’Office of the United States Trade Representative, le volume des importations a bondi, dépassant les niveaux historiques, et cette hausse s’est intensifiée durant les derniers mois, malgré une contraction de la demande américaine. Voir Office of the United States Trade Representative, énoncé de la proclamation présidentielle, 6 août 2020, en ligne. L’United States Aluminum Association, qui représente une grande majorité des producteurs d’aluminium américains (mais pas les deux producteurs qui réclamaient une protection contre les tarifs), a déclaré que [traduction] « les articles indiquant une “forte hausse” des importations d’aluminium primaire en provenance du Canada exagèrent largement » et que les tarifs imposés au titre de l’article 232 constituent une « mesure mal avisée de la part d’un partenaire commercial clé, [qui] vient saper les avantages [créés par l’ACEUM] au moment où les entreprises et les consommateurs américains sont dans la pire situation pour y faire face. » Voir : The Aluminum Association, Reinstating Section 232 Aluminum Tariffs the Wrong Approach for U.S. Industry, 6 août 2020, en ligne.
[7] Gouvernement du Canada – Ministère des Finances, Avis d’intention d’imposer des contre-mesures, en ligne.
[8] Pour en savoir plus sur chacun de ces recours, voyez un de nos précédents bulletins ici.
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
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