Un lieu accueillant des spectacles d’envergure à Montréal doit mieux contrôler le bruit généré par ses activités
Un lieu accueillant des spectacles d’envergure à Montréal doit mieux contrôler le bruit généré par ses activités
Dans l’affaire récente 7350121 Canada inc. c. Ville de Montréal[1], la Cour d’appel du Québec (ci-après la « Cour ») confirme l’ordonnance rendue par la juge de première instance dans un contexte de nuisance causée par le bruit, mais en précise la portée.
Les faits
7350121 Canada inc. est locataire d’un immeuble de Montréal où elle y exploite depuis 2012 le New City Gas, un établissement qui tient des spectacles et événements à grand déploiement ainsi qu’un bar. L’établissement comporte également des terrasses extérieures utilisées pour des événements lors desquels de la musique est projetée. Ces activités ne sont plus autorisées aujourd’hui en vertu du zonage applicable à ce secteur maintenant très dense de Griffintown, mais 7350121 Canada inc. bénéficie de droits acquis protégeant les activités qu’elles exerçaient légalement avant les modifications au zonage.
Après quelques années d’exploitation par 7350121 Canada inc., la Ville dépose une demande en cessation d’utilisation du sol incompatible avec les règlements municipaux, en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2] (ci-après la « LAU »). La Ville prétend que certaines activités de 7350121 Canada inc. contreviennent au Règlement 01-280 d’urbanisme de l’arrondissement du Sud-Ouest (ci-après le « Règlement 01-280 »). Elle demande également l’émission d’une ordonnance selon l’article 9(1) du Règlement sur le bruit[3], qui interdit, lorsqu’il s’entend dehors, le bruit produit par des appareils sonores, « qu’ils soient situés à l’intérieur d’un bâtiment ou qu’ils soient installés ou utilisés à l’extérieur. »
La juge de première instance donne raison à la Ville et conclut que les activités exercées sur les terrasses ne sont pas autorisées en vertu de la règlementation de zonage. En effet, même en tenant compte des droits acquis dont bénéficie 7350121 Canada inc., le seul usage autorisé sur les terrasses est celui de « café-terrasse » et plusieurs restrictions s’y appliquent. Tous les autres usages autorisés doivent être exercés à l’intérieur de bâtiments.
La juge ordonne donc notamment à 7350121 Canada inc. de retirer les appareils sonores de ses terrasses et d’y cesser toute représentation afin que les activités intérieures ne soient pas perceptibles de la terrasse.
7350121 Canada inc. soulève trois moyens d’appel, qui sont tous rejetés par la Cour.
La bonne foi
La bonne foi est un critère établi par l’arrêt Chapdelaine[4] concernant le pouvoir discrétionnaire d’un juge lorsqu’il évalue une demande d’ordonnance en vertu de l’article 227 LAU. En effet, les agissements de la personne qui contrevient à la réglementation sont pris en compte, au-delà de la présomption de bonne foi. En l’espèce, la Cour souligne le manque de transparence et de bonne foi de 7350121 Canada inc. et rejette donc ce moyen d’appel. Elle note aussi les multiples tentatives de l’appelante de contourner la réglementation.
La qualification des terrasses extérieures
7350121 Canada inc. tente de convaincre la Cour que les terrasses sont des bâtiments selon l’article 172 du Règlement de zonage. Or, cette interprétation littérale est contraire aux méthodes d’interprétation moderne, selon lesquelles un texte législatif doit être lu dans son contexte global pour s’harmoniser avec l’ensemble de la loi, son objet et l’intention du législateur.
En effet, ces terrasses ou « cours intérieures », comme les qualifie 7350121 Canada inc., ne sont pas des bâtiments, car ces espaces aménagés à l’extérieur du bâtiment se limitent aux murs extérieurs de celui-ci. De plus, ;e règlement établi des critères supplémentaires quant à la hauteur ou la densité de ces espaces, qui ne peuvent s’appliquer à ces terrasses extérieures.
L’interprétation de 7350121 Canada inc. est ainsi rejetée puisqu’elle va à l’encontre de l’objectif du législateur qui est de minimiser les inconvénients de voisinage en limitant le bruit à l’intérieur d’un bâtiment.
L’interprétation du « bruit » selon le Règlement sur le bruit
La Cour interprète la décision de la Cour Suprême dans Montréal c. 2952-1366 Québec inc.[5] et les trois critères cumulatifs qui permettent de qualifier le bruit en vertu de l’article 9 du Règlement sur le bruit. Ainsi, le bruit doit (1) provenir d’un appareil sonore, (2) situé à l’intérieur d’un bâtiment ou utilisé à l’extérieur du bâtiment, et qui (3) peut être entendu de l’extérieur.
Le fait que les bruits proviennent de l’intérieur d’un bâtiment mais peuvent être entendus de l’extérieur importe peu du moment que le bruit soit perceptible de l’extérieur et a un impact sur l’utilisation paisible de l’espace urbain.
La Cour reconnaît toutefois que le son provenant de l’intérieur du bâtiment qui est perceptible sur les terrasses sans l’être dans l’espace urbain extérieur public est autorisé.
Conclusion
Le tribunal confirme donc la décision de la juge de première instance, mais modifie l’ordonnance pour s’assurer qu’elle s’applique dès le bruit émis par les activités du bâtiment est perceptible dans l’espace urbain public, ce qui exclut les terrasses de 7350121 Canada inc.
[1] 7350121 Canada inc. c. Ville de Montréal, 2023 QCCA 1335.
[2] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1.
[3] R.R.V.M. c. B-3.
[4] Montréal (Ville) c. Chapdelaine, 2003 CanLII 28303 (QC CA).
[5] Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., 2005 CSC 62.
par Martin Thiboutot et Léa Jaouich (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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