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Survol des conventions de compte bloqué au Canada

26 août 2021 Bulletin sur les services financiers Lecture de 5 min

Les espèces font souvent partie intégrante de la garantie consentie au prêteur dans une opération de prêt garanti. Or, la liquidité des espèces peut causer certains problèmes aux prêteurs qui entendent les utiliser comme garantie. La convention de compte bloqué (« CCB ») est un outil de gestion des espèces d’une grande utilité pour les prêteurs, qui les aide à réaliser leur garantie sur les espèces contenues dans des comptes de dépôt. Le présent bulletin traite de la nature et de la fonction des CCB dans le contexte des opérations de prêt garanti réalisées dans les provinces de common law.

Qu’est-ce qu’une convention de compte bloqué?

Une CCB est une convention tripartite entre un prêteur, un emprunteur et la banque domiciliaire d’un compte de dépôt ou d’encaissement de l’emprunteur (le « compte visé »). Elle a pour effet de transférer au prêteur le pouvoir de donner des instructions concernant le compte visé. Le compte visé se trouve ainsi « bloqué », en ce que l’emprunteur ne peut plus utiliser ni virer les fonds qu’il contient, le prêteur ayant le pouvoir exclusif de donner des instructions à la banque domiciliaire en ce qui concerne le compte visé. Le prêteur peut donner l’ordre d’effectuer des retraits et des virements, de déposer les excédents dans un autre compte ou d’apporter des modifications au compte, notamment à son nom, à son numéro ou à son propriétaire.

Quand a-t-on recours à une CCB? 

La CCB est fréquemment utilisée dans les opérations de prêt garanti par des actifs lorsque les comptes de l’emprunteur sont domiciliés dans une banque tierce. Dans une telle opération, les créances de l’emprunteur font partie intégrante des garanties consenties au prêteur. Le prêteur exige souvent l’application d’une CCB aux comptes d’encaissement de l’emprunteur afin de contrôler les paiements et les virements effectués à partir de ces comptes. Dans les opérations de prêt garanti par des actifs, la CCB fera vraisemblablement partie d’un système de gestion des liquidités plus complexe, qui peut aussi comprendre des boîtes postales scellées, des ententes de nivelage des soldes et des comptes consolidés.

La CCB est aussi utilisée dans les opérations de financement de projet lorsque les comptes de l’emprunteur sont domiciliés dans une banque tierce. Dans ce cas, le prêt est principalement remboursé au moyen des revenus générés par le projet. Ainsi, le prêteur exigera souvent une CCB lui accordant le contrôle sur les revenus tirés du projet par l’emprunteur pour qu’ils soient distribués conformément aux documents du prêt en vue d’assurer le paiement des coûts du projet et le remboursement du prêt. Selon la nature du projet, l’emprunteur peut aussi devoir tenir certains comptes de réserve, à l’égard desquels le prêteur peut également exiger l’application d’une CCB.

Quels sont les types de CCB? 

Il existe deux types de CCB : la CCB générale et la CCB conditionnelle. La différence entre les deux est le moment où le pouvoir de donner des instructions pour le compte visé passe de l’emprunteur au prêteur. Dans une CCB générale, le pouvoir passe au prêteur dès l’entrée en vigueur de la facilité de crédit. Ainsi, il est immédiatement interdit à l’emprunteur d’utiliser ou de virer les fonds du compte visé. Dans une CCB conditionnelle, le pouvoir de donner des instructions passe au prêteur uniquement à la survenance d’un élément déclencheur, soit la remise par le prêteur d’un avis d’activation à la banque domiciliaire du compte, vraisemblablement en cas de défaut de l’emprunteur. En l’absence d’un événement déclencheur, l’emprunteur conserve le pouvoir d’utiliser et de virer les fonds du compte visé.

Quel est l’équivalent américain de la CCB? 

Aux États-Unis, les prêteurs utilisent un document semblable à la CCB appelé convention de contrôle de compte de dépôt (Deposit Account Control Agreement, ou « DACA »). La DACA fonctionne comme la CCB, en ce qu’elle transfère à un prêteur le pouvoir de donner des instructions pour le compte visé. Les deux conventions sont utilisées par les prêteurs dans le cadre d’un système de gestion des liquidités d’un emprunteur, et comme outil d’exécution en cas de défaut. La DACA a toutefois une fonction supplémentaire.

Aux États-Unis, le Uniform Commercial Code (« UCC ») permet aux prêteurs de rendre opposable par maîtrise une sûreté sur des comptes de dépôt. Une telle sûreté jouit d’un rang prioritaire par rapport aux sûretés qui n’ont pas été rendues opposables par maîtrise. La DACA permet donc au prêteur de rendre opposable par maîtrise une sûreté sur des comptes de dépôt sous le régime de l’UCC[1]. Par comparaison, la Loi sur les sûretés mobilières de l’Ontario (la « Loi ») et les lois sur les biens meubles des autres provinces et territoires de common law ne permettent pas au prêteur de rendre opposable par maîtrise une sûreté sur des comptes de dépôt. Pour rendre opposable une sûreté sur des comptes de dépôt, le prêteur doit enregistrer un état de financement conformément à la Loi. La sûreté est assujettie aux règles de priorité habituelles applicables aux documents déposés aux termes de la Loi. Par conséquent, la CCB, contrairement à la DACA, n’a pas pour effet de rendre opposable une sûreté sur des comptes de dépôt.

La fonction d’opposabilité par maîtrise de la DACA en fait un outil attrayant pour les prêteurs dans les opérations de prêt garanti aux États-Unis. L’utilisation d’une DACA ou d’une CCB dépend de si la sûreté du prêteur est régie par l’UCC ou par la Loi.

Quelles sont les dispositions fréquemment négociées dans une CCB? 

Les grandes banques canadiennes ont chacune leur CCB standard. Les banques domiciliaires de compte préfèrent généralement utiliser leurs propres modèles pour assurer une gestion uniforme de tous les comptes bloqués. Toutefois, le prêteur voudra certainement négocier les dispositions importantes suivantes avant de signer une CCB[2] :

Exonération de responsabilité – Les CCB prévoient fréquemment une exonération de responsabilité de la part de l’emprunteur et du prêteur en faveur de la banque domiciliaire du compte. Le prêteur a intérêt à ce que la portée de cette exonération soit limitée dans la mesure du possible. En pratique, l’exonération est fréquemment limitée à la responsabilité engagée par la banque domiciliaire après le transfert du pouvoir de donner des instructions au prêteur.

Droits de résiliation – Les CCB accordent souvent un droit de résiliation à la banque domiciliaire moyennant la remise d’un préavis écrit au prêteur. La période de préavis doit être suffisante pour que le prêteur et l’emprunteur puissent prendre d’autres arrangements afin que le prêteur conserve le contrôle des comptes visés. Ces arrangements peuvent comprendre le transfert des comptes de l’emprunteur à une autre banque domiciliaire et la conclusion d’une nouvelle CCB.

Frais et rétrofacturation – Les CCB autorisent souvent la banque domiciliaire à débiter du compte visé les frais et les montants de rétrofacturation qui y sont associés. Si le solde du compte visé est insuffisant, la banque domiciliaire a habituellement le droit de percevoir les sommes en cause auprès de l’emprunteur ou du prêteur. Le prêteur a intérêt à ce que sa responsabilité quant aux frais et aux montants de rétrofacturation soit limitée dans la mesure du possible. En pratique, la responsabilité du prêteur à cet égard est souvent limitée au montant total viré du compte visé au prêteur conformément à la CCB ou aux instructions du prêteur.

Conclusion 

Dans les provinces de common law, la CCB demeure un outil important pour les prêteurs qui ont recours à des garanties en espèces dans des opérations de prêt garanti. Il est important que les prêteurs comprennent la fonction des CCB et les utilisent dans les bonnes circonstances pour atténuer les risques et gérer efficacement les garanties en espèces.

[1] UCC § 9-104(a)(2).
[2] « Blocked Account Agreement (Account Bank Not Party to Loan Transaction) », Practical Law Canada Finance.

par Alex Ricchetti et Christina Kim

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis

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