Préparez-vous! Les vrais effets de la décision de la Cour fédérale sur votre entreprise (réponse à vos questions)
Préparez-vous! Les vrais effets de la décision de la Cour fédérale sur votre entreprise (réponse à vos questions)
La Cour fédérale a récemment lancé un message important dans sa décision Coalition pour une utilisation responsable du plastique c. Canada (Environnement et Changements climatiques), 2023 CF 1511 (la « décision »), en annulant l’ajout par le gouvernement fédéral des « articles manufacturés en plastique » à la liste des substances toxiques de l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (la « LCPE »), qu’elle a jugé déraisonnable et inconstitutionnel.
L’industrie canadienne du plastique a poussé un soupir de soulagement, mais pour les mauvaises raisons, car la décision ne change en fait rien à la législation actuellement en vigueur.
Le présent bulletin résume la décision et répond à vos questions brûlantes sur les effets qu’elle aura sur les entreprises qui fabriquent, distribuent, vendent, fournissent ou utilisent des produits de plastique au Canada. Pour passer directement aux questions, cliquez ici.
Le gouvernement fédéral canadien a annoncé son intention d’interjeter appel de la décision.
Le contexte
En 2018, le Conseil canadien des ministres de l’environnement a publié une stratégie pancanadienne pour l’atteinte de zéro déchet plastique d’ici 2030. À la lumière de nombreuses études, dont une commandée par Environnement et Changement climatique Canada (« Environnement Canada ») qui appelait à prendre des mesures stratégiques contre les effets des plastiques sur l’environnement, la santé humaine et l’économie, Environnement Canada a publié deux documents en 2020 : (i) une Évaluation scientifique de la pollution plastique qui a reconnu le manque de méthodes standardisées pour la surveillance des microplastiques et mis l’accent sur leurs effets nocifs potentiels; (ii) un document de consultation qui a proposé une approche de gestion intégrée des produits de plastique et sollicité des commentaires sur un projet de règlement.
Le tout s’est soldé par la publication, le 23 avril 2021, à la suite de la recommandation d’Environnement Canada, du Décret d’inscription d’une substance toxique à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (le « décret »), qui a immédiatement inscrit les articles manufacturés en plastique à la liste de l’annexe 1 de la LCPE. En qualifiant ces articles de substances toxiques dans la LCPE, Environnement Canada se donnait une plus grande latitude pour prendre des mesures de gestion des risques et d’atténuation des conséquences environnementales. L’une des premières a été l’adoption du Règlement interdisant les plastiques à usage unique (le « règlement sur les PUU »), en vigueur depuis le 20 décembre 2022, qui impose des interdictions ou des restrictions à la fabrication, l’importation et la vente de certains produits en plastique à usage unique. Pour en savoir plus sur le décret, consultez notre bulletin antérieur.
Les demanderesses, soit la Coalition pour une utilisation responsable du plastique (une société à but non lucratif composée d’entreprises de l’industrie du plastique qui exercent leurs activités au Canada) et des acteurs importants des secteurs des produits pétrochimiques et du plastique, ont demandé à la Cour fédérale de faire un contrôle judiciaire de la décision du gouvernement fédéral de publier le décret.
Toutefois, avant l’audience, le gouvernement fédéral a abrogé l’annexe 1 de la LCPE, puis l’a remise en vigueur en gardant les mêmes substances, y compris les articles manufacturés en plastique. Ce faisant, le redressement demandé par les demanderesses, qui était en partie d’infirmer la décision d’inscrire ces articles à l’annexe 1, n’était plus disponible, même si les articles visés demeurent à ce jour dans l’annexe. Malgré l’argument selon lequel la demande était ainsi devenue théorique, la Cour fédérale a conclu que le litige entre les demanderesses et Environnement Canada valait la peine d’être entendu et l’a tranché.
La question en litige
Les demanderesses, estimant que le décret n’était pas conforme au régime législatif de la LCPE, ont contesté la décision d’inscrire les articles manufacturés en plastique parmi les « substances toxiques » de l’annexe 1 de la LCPE sans étude scientifique ni évaluation des risques. Elles soutenaient également que le décret était inconstitutionnel, car il ne relevait pas de la compétence fédérale en matière de droit criminel.
La décision
La Cour fédérale a conclu que le décret était déraisonnable et inconstitutionnel et l’a annulé, le déclarant nul et illégal. Cette décision découle des conclusions clés suivantes :
- Pour ajouter une substance ou une catégorie de substances à l’annexe 1 de la LCPE, le gouvernement doit être d’avis qu’elle répond aux critères de toxicité établis dans la LCPE. Pour la Cour, le gouvernement fédéral ne pouvait pas conclure à la toxicité de tous les articles manufacturés en plastique simplement parce qu’ils étaient faits de plastique sans tenir compte de facteurs importants comme la grande variété de formes, de types et de caractéristiques, de même que les risques qu’ils se retrouvent dans l’environnement ou lui soient nocifs. Comme il n’a pas tenu compte de ces facteurs, le gouvernement fédéral n’a pas démontré que la catégorie d’articles répondait dans son ensemble au critère de toxicité de la LCPE. La Cour a donc conclu que le gouvernement fédéral avait outrepassé sa compétence en l’ajoutant à l’annexe 1.
- Point important, la Cour a noté qu’Environnement Canada avait déjà fait des analyses sur les produits visés par le règlement sur les PUU, qui ont été considérés comme « problématiques sur le plan environnemental », et que d’autres articles manufacturés en plastique n’ont pas reçu cette étiquette, parce qu’ils n’étaient pas répandus ou qu’ils n’avaient pas d’effets nocifs connus ou soupçonnés sur l’environnement. Pour certains éléments de la grande catégorie des articles manufacturés en plastique, il n’y a pas de crainte raisonnable de préjudice pour l’environnement. Cependant, Environnement Canada peut toujours évaluer le risque environnemental associé à d’autres produits de cette catégorie.
La décision signifie-t-elle que la présence des articles manufacturés en plastique dans l’annexe 1 de la LCPE a été annulée ou que leur inscription n’est plus en vigueur?
Non. Comme l’annexe a été remise en vigueur, le décret n’est pas l’instrument législatif à l’origine de la présence des articles manufacturés en plastique dans l’annexe 1 actuelle de la LCPE. Par conséquent, l’annulation du décret n’a pas pour effet de retirer ces articles de cette version de l’annexe 1. Autrement dit, les articles manufacturés en plastique figurent à l’heure actuelle toujours dans l’annexe 1 de la LCPE.
La décision invalide-t-elle le règlement sur les PUU?
Non. Comme la décision n’entraîne pas le retrait des articles manufacturés en plastique de l’annexe 1 de la LCPE, qui habilite Environnement Canada à les réglementer et à adopter le règlement sur les PUU, le règlement n’est pas invalidé. Les entreprises qui fabriquent, distribuent, vendent, fournissent ou utilisent des plastiques à usage unique correspondant à l’une des six catégories visées par le règlement sur les PUU doivent continuer de respecter ce règlement et ne doivent apporter aucun changement à leurs plans de conformité.
Le règlement sur les PUU a été adopté à la suite d’une analyse menée par Environnement Canada ayant ciblé six produits en plastique à usage unique à interdire vu leur caractère « problématique ». Voilà le genre de preuve qu’il manquait à la Cour au sujet de la grande catégorie des articles manufacturés en plastique dans la décision. Si, au lieu de la catégorie en entier, seuls ces six produits avaient été ajoutés à l’annexe 1, la demande aurait peut-être été rejetée (cette question fait l’objet d’une instance distincte, elle aussi introduite par la Coalition pour une utilisation responsable du plastique, en attente d’audience).
La décision a-t-elle un effet sur le calendrier du règlement sur les PUU?
Non. Le règlement sur les PUU et son calendrier demeurent en vigueur, et on peut s’attendre à ce que le gouvernement fédéral prenne d’autres mesures (potentiellement en adoptant une autre loi ou en modifiant la LCPE) pour s’assurer de la constitutionnalité du règlement. Pour en savoir plus sur les dates clés du règlement sur les PUU, consultez notre bulletin.
Le gouvernement fédéral va-t-il apporter d’autres modifications à la LCPE en réaction à la décision?
Aucune annonce n’a été faite en ce sens en date du présent bulletin. Cela dit, à la lumière des conclusions de la décision, il est certainement possible que le gouvernement fédéral modifie la LCPE pour remplacer les articles manufacturés en plastique de l’annexe 1 par une liste plus restreinte de produits dont la possible introduction dans l’environnement ou les possibles effets néfastes sur l’environnement sont étayés par des preuves. Puisque le Canada est, comme 174 autres états, signataire du premier traité mondial sur la pollution par les plastiques, il est peu probable qu’il revienne sur son engagement à contrôler et à réduire ce type de pollution sur son territoire. Pour en savoir plus sur ce traité des Nations Unies, consultez notre bulletin.
Si vous avez des questions à propos des conséquences que ces changements pourraient avoir sur votre entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs du présent bulletin.
par Talia Gordner, Julia Loney, Martin Thiboutot et Nandini Pahari (stagiaire en droit)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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