Modèles d’assurance proposés pour le Canada : résumé du récent rapport du groupe de travail sur l’assurance contre les inondations et la réinstallation
Modèles d’assurance proposés pour le Canada : résumé du récent rapport du groupe de travail sur l’assurance contre les inondations et la réinstallation
Le 30 août 2022, le Groupe de travail sur l’assurance contre les inondations et la réinstallation du gouvernement du Canada (le « Groupe de travail ») a publié le rapport intitulé S’adapter à la hausse des risques d’inondation : Une analyse des solutions d’assurance pour le Canada. Ce rapport a pour principal objectif de fournir des éclairages et des recommandations en vue de l’élaboration d’une solution nationale d’assurance contre les inondations. Les conclusions du Groupe de travail sont résumées ci-dessous.
Les inondations constituent les catastrophes les plus fréquentes et les plus coûteuses du 21e siècle au Canada. Avant 1995, seules trois catastrophes naturelles dans l’histoire du Canada avaient atteint 500 millions de dollars (après correction en fonction de l’inflation), mais de 2013 à 2017, le pays a enregistré pour 16,4 milliards de pertes liées aux catastrophes. Les changements climatiques jouent un rôle important dans la multiplication des événements, le réchauffement des températures accroissant les probabilités de pluies intenses. De grandes villes comme Montréal, Toronto et Vancouver sont mal préparées à faire face à des inondations majeures, et les personnes habitant à proximité d’un cours d’eau important sont particulièrement à risque.
Les pertes non assurées étant aussi en croissance, la vulnérabilité des Canadiens augmente. En 2020, l’écart entre les pertes assurées et les pertes économiques totales s’est creusé pour atteindre 231 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Au Canada, plus de 50 % des pertes découlant d’inondations étaient des pertes non assurées ces dernières années. Les risques sont concentrés, puisque 90 % des risques financiers liés aux inondations de domicile concernent 10 % des domiciles au pays. La plupart des personnes touchées appartiennent à des groupes traditionnellement défavorisés, ce qui ne fait qu’exacerber le problème. Un grand nombre de domiciles à haut risque sont gravement sous-assurés ou ne sont pas assurés du tout, en raison du coût élevé des primes. Les propriétaires ignorent parfois qu’ils ne sont pas assurés, du fait du libellé compliqué des polices d’assurance.
Le rapport conclut que l’État ne peut pas continuellement financer les coûts de rétablissement lors de catastrophes de grande ampleur. Les Canadiens doivent en effet apprendre à « vivre avec l’eau », et une solution nationale et bien pensée d’assurance contre les inondations réduirait grandement les risques que comporte cet impératif.
Après avoir étudié les solutions en place en Australie, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis (dont certaines sont décrites dans un bulletin que nous avons publié précédemment), le Groupe de travail a défini quatre thèmes pour l’élaboration d’un programme national d’assurance contre les inondations au Canada :
- mieux définir les besoins d’assurance et les zones à risque;
- viser une meilleure pénétration du marché, notamment en collaborant avec les assureurs pour gérer le risque financier et en offrant des incitatifs à participer au programme;
- garantir l’abordabilité de l’assurance, par exemple en établissant une définition universelle de ce concept et en veillant à ce que les résidents d’une zone à risque aient accès à une assurance abordable;
- tenir compte du risque moral, par exemple en rédigeant les polices dans un langage clair et en établissant des franchises minimales.
Le Groupe de travail a ensuite formulé six objectifs de politique publique :
- fournir une indemnisation financière adéquate et prévisible aux résidents des zones à risque élevé;
- incorporer des signaux de prix fondés sur le risque qui favorisent une utilisation des terres adaptée aux risques, une atténuation des risques ainsi qu’une meilleure résilience face aux inondations, notamment en quantifiant efficacement le prix du risque d’inondation;
- assurer l’abordabilité dans les zones à haut risque, en tenant compte des populations marginalisées, vulnérables ou diverses;
- offrir une couverture largement accessible aux personnes à risque élevé;
- optimiser la participation des résidents des zones à risque élevé;
- offrir un bon rapport qualité-prix.
Ces objectifs ont amené le Groupe de travail à étudier quatre modèles potentiels pour une solution nationale d’assurance contre les inondations.
Le premier, un pool pour risque élevé à prime fixe plafonnée, s’adresserait exclusivement aux propriétaires à risque élevé. L’État interviendrait peu selon ce modèle, mais le ferait pour que les prix restent abordables (par exemple, en fixant un plafond de prime peu élevé). Le pool serait stabilisé grâce à une réassurance basée sur le marché et à un filet de sécurité gouvernemental.
Le deuxième modèle est celui du pool pour risque élevé à plusieurs paliers. Il serait semblable au premier, mais comporterait cinq paliers plutôt qu’un seul plafond fixe. Les paliers, correspondant à des plafonds de prime croissants, seraient établis d’après les coûts de reconstruction estimés dans les zones à risque élevé. Dans ce modèle, l’État obligerait les résidents ayant une hypothèque à acheter l’assurance.
Le troisième modèle repose sur un assureur public (vraisemblablement une société d’État) qui souscrirait une assurance tous risques contre les inondations en tant qu’intermédiaire, avec une garantie financière gouvernementale automatique. Contrairement aux deux premiers modèles, axés sur les propriétés à risque élevé, le troisième couvrirait l’ensemble des risques d’inondation de surface. La société d’État serait stabilisée grâce à la réassurance privée et à la présence d’un filet de sécurité gouvernemental. Ce modèle comporterait aussi des niveaux de couverture standardisés.
Le quatrième et dernier modèle qu’a étudié le Groupe de travail est celui d’un réassureur public. Ce modèle introduirait une approche à plusieurs niveaux s’appuyant à la fois sur l’assurance publique et sur l’assurance privée. Le premier niveau donnerait au propriétaire la possibilité de contracter une assurance sur le marché privé, à un prix entièrement basé sur le risque, ce qui le couvrirait jusqu’à une limite modeste. Le deuxième niveau impliquerait l’achat obligatoire d’une assurance contre les inondations protégeant jusqu’à une limite plus élevée. La société d’État vendrait de la réassurance en excédent de sinistre subventionnée à des assureurs privés et rembourserait les assureurs pour les pertes couvertes au deuxième niveau.
La réinstallation des propriétés les plus à risque a aussi été envisagée comme solution potentielle dans certaines circonstances; la pénurie de logements au Canada et l’attachement des peuples autochtones à leurs terres ancestrales y constitueraient cependant des obstacles.
Le rapport laisse penser que les assureurs canadiens seront appelés à collaborer plus étroitement avec le gouvernement fédéral en vue d’atténuer les risques liés aux inondations. Il pourrait s’agir de trouver des moyens de gérer les risques financiers, de mettre en place des mesures incitant les Canadiens à profiter de stratégies d’atténuation des risques et de travailler à éliminer le plus possible les lacunes en matière de protection. Les assureurs pourraient aussi être consultés sur la normalisation du libellé des polices et de la définition du terme « inondation », comme cela s’est fait en Australie.
Le rapport n’indique pas si le Groupe de travail avait une préférence pour l’un ou l’autre des modèles. Il mentionne cependant que les deux premiers nécessiteraient un financement initial moindre, mais qu’ils seraient associés à des niveaux de risque résiduel assez élevés en cas d’inondation majeure. Le rapport reconnaît que toute solution nationale d’assurance contre les inondations devra être adaptable aux contextes régionaux et culturels. Il faut aussi reconnaître que les modèles d’assurance obligatoire pourraient ne pas convenir à certaines personnes, en particulier celles des groupes défavorisés sur le plan socioéconomique ou celles pour qui la maîtrise de notions financières pose un obstacle. Malgré ces difficultés, il ressort clairement du rapport que toutes les parties doivent trouver une solution, et rapidement, car il serait malavisé d’attendre la prochaine grande catastrophe. À l’heure où les sinistres se multiplient, le constat est sans appel : les Canadiens ont besoin d’une solution nationale d’assurance contre les inondations capable de combler des déficits de protection qui ne cessent de se creuser.
par Darcy Ammerman et Justin Novick-Faille (stagiaire en droit)
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