Mobilisation de capitaux sous le régime de la dispense de prospectus : les ACVM adoptent de nouvelles obligations applicables aux émetteurs du secteur immobilier et aux véhicules d’investissement collectif
Mobilisation de capitaux sous le régime de la dispense de prospectus : les ACVM adoptent de nouvelles obligations applicables aux émetteurs du secteur immobilier et aux véhicules d’investissement collectif
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont récemment annoncé l’adoption de modifications (les « modifications ») à la dispense de prospectus pour placement au moyen d’une notice d’offre (la « dispense pour notice d’offre ») prévue dans la Norme canadienne 45-106 sur les dispenses de prospectus (au Québec, le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, le « Règlement 45-106 ») et l’Instruction complémentaire relative à la Norme 45-106 (au Québec, l’Instruction générale relative au Règlement 45-106, l’« Instruction générale »). Comme nous le notions dans un bulletin antérieur, les modifications avaient été proposées en septembre 2020. Elles renforcent les obligations d’information des émetteurs exerçant des « activités immobilières » et de ceux qui sont des « véhicules d’investissement collectif », deux nouveaux termes qui y sont définis, et apportent diverses modifications d’ordre général clarifiant ou simplifiant certains aspects du Règlement 45-106. En Ontario, les modifications obligent aussi les émetteurs (sous réserve de certaines exceptions) à inclure des états financiers intermédiaires dans une notice d’offre si un placement de titres est en cours. Ces états financiers intermédiaires doivent concerner le plus récent semestre terminé de l’émetteur. Les modifications découlent en partie du constat des ACVM selon lequel le recours à la dispense de prospectus a évolué par rapport aux attentes qui existaient lors de sa conception.
Il est prévu que les modifications entrent en vigueur le 8 mars 2023 (la « date de prise d’effet »). Les émetteurs pourront toutefois (sous réserve de certaines conditions) utiliser jusqu’à leur modification les notices d’offre établies conformément à la version de l’Annexe 45-106A2 – Notice d’offre de l’émetteur non admissible (l’« Annexe 45-106A2 ») en vigueur immédiatement avant la date de prise d’effet. De plus, les ACVM réviseront l’Avis multilatéral 45-309 du personnel des ACVM, Indications relatives à l’établissement et au dépôt d’une notice d’offre en vertu du Règlement 45-106, pour l’harmoniser avec les modifications.
Contexte
Au départ, la dispense pour notice d’offre devait servir d’outil de financement pour aider les petites entreprises et les entreprises en démarrage à mobiliser des capitaux sans avoir recours au régime de prospectus, plus onéreux. Elle permet à un émetteur de placer des titres auprès d’investisseurs qui ne se qualifient pas nécessairement comme « investisseurs admissibles » et, dans la plupart des provinces et des territoires, elle a une incidence sur le montant qui peut être souscrit par un investisseur sans soumettre l’émetteur à l’obligation de préparer et de déposer un prospectus, pourvu que l’émetteur utilise l’Annexe 45-106A2. La catégorie des « investisseurs admissibles » est plus large que celle des « investisseurs qualifiés », ce qui permet aux émetteurs d’avoir accès à un bassin de capitaux plus vaste lorsqu’ils cherchent à obtenir du financement.
Au terme de l’examen de données tirées des déclarations de placement avec dispense déposées par des émetteurs s’étant prévalu de la dispense pour notice d’offre en 2017, les ACVM ont déterminé que (i) les émetteurs comptant des actifs totalisant plus de 100 millions de dollars représentaient presque 40 % des émetteurs s’étant prévalu de la dispense; (ii) 17 % des émetteurs disaient œuvrer dans le secteur « immobilier »; et (iii) environ 43 % des émetteurs s’étant prévalu de la dispense pourraient être considérés comme des « véhicules d’investissement collectif » selon leur vocation et leurs objectifs de placement. Les ACVM ont aussi observé, dans le cadre d’examens de la conformité, qu’il est parfois difficile pour les émetteurs d’établir l’information qui doit être fournie selon l’Annexe 45-106A2 actuelle pour permettre aux investisseurs de prendre une décision d’investissement éclairée.
Les ACVM indiquent que les modifications visent à mieux informer les investisseurs et, en ce qui concerne les « émetteurs exerçant des activités immobilières » ou les « véhicules d’investissement collectif », à fournir des informations mieux adaptées à l’émetteur. Selon elles, les changements apportés devraient permettre aux investisseurs de prendre des décisions plus éclairées.
Les modifications n’auront aucune incidence sur les émetteurs qui ont recours aux notices d’offre dans le cadre du placement privé de titres sous le régime d’autres dispenses de prospectus selon les lois sur les valeurs mobilières applicables (comme la dispense qui s’applique à l’investisseur qualifié), puisqu’aucun formulaire de notice d’offre n’est prescrit pour ce genre de placements.
Émetteurs exerçant des « activités immobilières »
Au titre des modifications, un émetteur sera généralement considéré comme exerçant des « activités immobilières » si son principal objectif est de générer pour ses porteurs de titres des revenus ou des gains tirés de la location, de la vente ou de toute autre aliénation d’immeubles, sous réserve de certaines exceptions, qui comprennent notamment les activités pétrolières et gazières et celles se rapportant à un projet minier. Des modifications corrélatives à l’Instruction générale fournissent des exemples de situations dans lesquelles un émetteur exerce des « activités immobilières », notamment : (i) il aménage ou réaménage des immeubles pour les vendre en tant que locaux industriels ou commerciaux, lots ou immeubles résidentiels ou immeubles en copropriété; (ii) il aménage ou réaménage des immeubles pour les louer; (iii) il est propriétaire d’immeubles qu’il loue; (iv) il achète, détient ou vend des immeubles, en vue de faire un profit; (v) il émet des titres représentant une participation dans un immeuble.
Lorsqu’un émetteur exerce des « activités immobilières », il est tenu de fournir l’information supplémentaire prévue dans le nouvel Appendice 1 – Obligations d’information supplémentaires pour les émetteurs exerçant des activités immobilières (l’« Appendice pour les émetteurs exerçant des activités immobilières ») de l’Annexe 45-106A2. Voici certaines des informations qui doivent être fournies :
- l’information prescrite quant à chaque participation dans un immeuble;
- l’information pertinente pour les projets de promotion immobilière, y compris la description des approbations ou permissions nécessaires, les coûts estimatifs de la réalisation du projet, le moment auquel des coûts importants seront engagés, les objectifs du projet qui devraient être atteints dans les 24 mois suivant la date de la notice d’offre et après cette période, les conséquences possibles si l’un des objectifs déclarés n’est pas atteint, et de l’information sur les appels de liquidités futurs;
- l’information pertinente pour les émetteurs qui sont propriétaires-exploitants d’immeubles, comme l’âge, l’état et le taux d’occupation de l’immeuble, ainsi que les principales modalités de la convention de syndicat de location ou de la convention de gestion locative, s’il y a lieu;
- l’information sur les amendes, sanctions, faillites, insolvabilités et infractions criminelles et quasi criminelles visant d’autres parties que l’émetteur, comme celles agissant à titre de promoteurs ou de gestionnaires aux termes d’une convention de gestion locative;
- l’historique des opérations d’achat et de vente d’immeubles de l’émetteur effectuées avec une partie liée (au sens conféré à ce terme dans le Règlement 45-106) et l’explication de toute différence importante de montant entre la contrepartie versée par l’émetteur et celle versée par la partie liée.
Il convient de souligner que les obligations d’information de l’Appendice pour les émetteurs exerçant des activités immobilières ne s’appliqueraient pas (sauf dans certaines circonstances) aux immeubles qui, considérés dans leur ensemble, ne seraient pas importants aux yeux d’un investisseur raisonnable.
En outre, selon les modifications, l’émetteur exerçant des activités immobilières est tenu de fournir aux investisseurs une évaluation indépendante d’une participation dans un immeuble dans les cas suivants :
- l’émetteur se propose d’acquérir une participation dans un immeuble auprès d’une partie liée, et une personne raisonnable jugerait la probabilité de la réalisation de l’acquisition élevée;
- sauf dans ses états financiers figurant dans la notice d’offre, l’émetteur indique dans cette dernière la valeur d’une participation dans un immeuble.
Le rapport d’évaluation indépendant doit comprendre une attestation d’évaluation signée par un évaluateur qualifié indiquant que le rapport est établi conformément aux normes et aux codes de déontologie établis ou approuvés par l’association professionnelle dont l’évaluateur est membre. Le rapport doit également fournir la juste valeur de marché de la participation dans l’immeuble établie par l’évaluateur qualifié, compte non tenu des améliorations projetées ou des projets de promotion immobilière, et celle-ci doit être établie à une date tombant dans les six mois précédant celle de sa remise au souscripteur.
Le rapport d’évaluation doit être déposé au moment du dépôt de la notice d’offre ou de sa version modifiée ou, s’il est établi après le dépôt, au plus tard le 10e jour après le premier placement pour lequel il devait être transmis au souscripteur.
Conséquences attendues des modifications sur les émetteurs exerçant des activités immobilières
Pour les émetteurs exerçant des « activités immobilières », les modifications entraînent plusieurs choses : des changements importants quant à l’information qui doit être communiquée aux investisseurs éventuels au moyen de la notice d’offre, une augmentation probable des coûts liés à l’obtention d’un rapport d’évaluation indépendant de l’immeuble (dans la mesure où cela n’est pas déjà fait), la nécessité de mettre à jour les conventions de souscription, de même qu’une augmentation des frais d’exploitation et de maintenance continus. Les grands émetteurs qui se prévalent de la dispense pour notice d’offre seront en mesure de supporter les coûts et les délais supplémentaires requis pour se conformer aux nouvelles exigences, mais pour les petits émetteurs disposant de moins de ressources, ces coûts risquent de devenir trop importants. Ils seront peut-être contraints de se procurer du financement en ayant recours à d’autres dispenses de prospectus. L’évaluation exigée pourrait aussi soulever des questions de confidentialité dans le cas des projets d’acquisition d’immeubles auprès de parties liées. La raison en est que, dans la mesure où une personne raisonnable jugerait la probabilité de la réalisation de l’acquisition élevée à un moment où les conventions d’acquisition sont toujours en négociation, auquel cas elles sont normalement confidentielles, la divulgation serait quand même obligatoire.
Émetteurs considérés comme des « véhicules de placement collectif »
Au titre des modifications, un émetteur sera considéré comme un « véhicule d’investissement collectif » si son objectif principal est d’investir les sommes d’argent qui lui sont fournies par ses porteurs dans un portefeuille de titres autre que ceux de ses filiales. Le terme englobe aussi les fonds d’investissement, dans la mesure où ils sont actuellement autorisés à se prévaloir de la dispense pour notice d’offre dans certaines provinces et certains territoires au Canada. C’est sur les émetteurs qui investissent dans des titres hypothécaires, comme les entités de placement hypothécaire, que les modifications devraient avoir la plus grande incidence.
L’émetteur qui est considéré comme un véhicule d’investissement collectif est tenu de fournir l’information prévue au nouvel Appendice 2, Obligations d’information supplémentaires pour les émetteurs qui sont des véhicules d’investissement collectif (l’« Appendice pour les véhicules d’investissement collectif ») de l’Annexe 45-106A2. Voici l’information qui doit être fournie :
- sauf à l’égard des créances hypothécaires, une description des objectifs, de la stratégie et des critères de placement de l’émetteur, de toute limite ou restriction sur les placements, et de la façon de trouver et de sélectionner les titres pour l’achat ou la vente;
- dans le cas des créances hypothécaires consenties par l’émetteur, les objectifs de placement de l’émetteur à l’égard du type d’immeubles pour lesquels il consent un prêt, de leur répartition géographique, des modalités importantes des créances hypothécaires (y compris la fourchette des taux d’intérêt et la durée) et du rang des créances, de même que les politiques et pratiques de l’émetteur se rapportant à la réalisation d’évaluations ultérieures de l’immeuble, à l’octroi de prêts aux parties liées, aux renouvellements, à la concentration des fonds et à l’établissement de la capacité des emprunteurs de rembourser une créance hypothécaire;
- de l’information sur les amendes, sanctions, faillites, insolvabilités et condamnations pour des infractions criminelles ou quasi criminelles visant les personnes participant à l’établissement d’objectifs et de stratégies de placement, à l’imposition de limites ou de restrictions sur les placements ainsi qu’à la sélection et à la gestion des placements;
- des renseignements sur le portefeuille;
- le rendement du portefeuille, ainsi que la méthodologie utilisée pour établir la valeur des titres du portefeuille et calculer les données sur le rendement du portefeuille;
- les conflits d’intérêts à l’égard des parties liées dont le souscripteur raisonnable devrait avoir connaissance pour prendre une décision d’investissement éclairée.
Conséquences attendues des modifications sur les véhicules d’investissement collectif
Pour les émetteurs considérés comme des « véhicules d’investissement collectif », les modifications entraînent plusieurs choses : une augmentation de l’information devant être communiquée aux investisseurs éventuels au moyen de la notice d’offre (y compris un résumé de plusieurs éléments d’information sur la page titre de la notice d’offre), une augmentation probable des coûts liés à la collecte de renseignements et de données pour se conformer aux nouvelles obligations et une augmentation des coûts et des délais requis pour la préparation des rapports financiers intermédiaires semestriels en Ontario, de même que des modifications connexes à la notice d’offre pour les émetteurs dont le placement est permanent. Les véhicules d’investissement collectif qui sont encore jeunes ou en démarrage pourraient conclure que l’investissement supplémentaire en temps et en argent qui sera nécessaire pour se conformer aux nouvelles exigences n’en vaut pas la peine, et ils pourraient choisir de se prévaloir d’autres exemptions de prospectus, telles que l’exemption pour « investisseur qualifié ».
Modifications d’ordre général
Les modifications comprennent également des changements généraux qui visent à préciser ou à simplifier certains aspects du Règlement 45-106 qui portent sur la norme d’information applicable aux notices d’offre et à exiger que l’exemplaire déposé de la notice d’offre soit dans un format qui permette la recherche électronique de termes. Un certain nombre de changements sont aussi apportés à l’Annexe 45-106A2, y compris les suivants :
- l’ajout de plusieurs éléments d’information sur la page titre pour résumer ces points aux investisseurs;
- l’obligation de rehausser l’information dans les cas où une partie importante du produit du placement sera transférée à une autre entité qui n’est pas une filiale de l’émetteur;
- l’obligation de décrire les infractions criminelles et quasi criminelles qui ont donné lieu à une condamnation;
- l’obligation de fournir de l’information sur la provenance des fonds pour les dividendes et les distributions versés excédant les flux de trésorerie provenant des activités d’exploitation;
- en Ontario, l’obligation d’intégrer un rapport financier intermédiaire pour le dernier semestre de l’émetteur lorsqu’un placement de titres sous le régime d’une dispense pour notice d’offre est en cours (ce qui exige du temps et des ressources supplémentaires pour les équipes de direction des émetteurs); Ce rapport financier intermédiaire n’est toutefois pas requis si l’émetteur joint à la notice d’offre une attestation supplémentaire validant ce qui suit : (i) la notice d’offre ne contient aucune information fausse ou trompeuse lorsqu’elle est lue à la date de cette attestation; (ii) il n’est survenu, à l’égard de l’émetteur, aucun changement important n’ayant pas été déclaré dans la notice d’offre; (iii) la notice d’offre, lorsqu’elle est lue à la date de cette attestation,
- contient suffisamment d’information pour permettre à un souscripteur raisonnable de prendre une décision d’investissement éclairée;
- l’introduction de changements à l’Annexe 45-106A4, Reconnaissance de risque – le formulaire requis des investisseurs souscrivant des titres sous le régime de la dispense pour notice d’offre – qui visent à rendre l’annexe plus compréhensible et utile pour les investisseurs. Afin de se conformer à ces changements, les émetteurs devront mettre à jour leur modèle de convention de souscription pour y inclure la nouvelle annexe sur la reconnaissance de risque.
Si vous avez des questions au sujet des modifications, les membres du groupe Marchés des capitaux de TRC-Sadovod se feront un plaisir de vous aider.
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Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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