Mise à jour concernant le droit canadien des brevets : déclarations, délais de prescription et décharges générales
Mise à jour concernant le droit canadien des brevets : déclarations, délais de prescription et décharges générales
Avis aux titulaires de brevet et aux inventeurs : la Cour fédérale du Canada a récemment apporté les précisions suivantes dans sa décision Secure Energy (Drilling Services) Inc. v. Canadian Energy Services LP, 2023 FC 906 :
- les délais de prescription ne s’appliquent pas aux déclarations relatives aux noms de l’inventeur et du titulaire des droits dans une invention faites en vertu de l’article 52 de la Loi sur les brevets[1];
- les décharges n’empêchent pas nécessairement une personne de demander une déclaration confirmant le nom du véritable inventeur conformément à la Loi sur les brevets.
Les faits
Secure Energy (Drilling Services) Inc (la « demanderesse ») a présenté une demande (la « demande ») en vertu de la Loi sur les brevets afin de faire corriger au registre les noms de l’inventeur et du titulaire du brevet canadien no 2,624,834 (le « brevet 834 »). La demanderesse demande à la Cour de déclarer que : (i) Simon Levey (« Levey ») est le véritable inventeur ou, à tout le moins, le co-inventeur du brevet 834; et (ii) la demanderesse est la titulaire ou cotitulaire du brevet 834.
Au moment où la demande a été déposée, Canada Energy Services (« CES ») était inscrite comme titulaire et John Ewanek (« Ewanek ») était l’inventeur inscrit du brevet 834 (collectivement, les « défendeurs »). CES a répliqué par une requête en radiation de la demande. CES a fait valoir plusieurs moyens de défense, notamment le fait que la demande serait irrecevable au motif que tous les délais de prescription applicables étaient écoulés, et que la société que la demanderesse a remplacée avait signé une décharge contractuelle.
Conclusions
Compte tenu de la preuve présentée au procès, la Cour a conclu que le véritable inventeur du brevet 834 était Levey, et non Ewanek, soulignant le rôle qu’a joué Levey dans la conception de l’idée nouvelle, l’exécution des tests et la consignation de l’information. De plus, et toujours selon la preuve, la Cour a conclu que la demanderesse avait réussi à établir sa chaîne de titres et son droit de propriété sur le brevet 834. La Cour s’est ensuite penchée sur les moyens de défense soulevés par les défendeurs.
Délais de prescription
CES a fait valoir que la demande était irrecevable au motif qu’elle était prescrite, alléguant que la demanderesse y sollicitait une ordonnance corrective. La demanderesse, quant à elle, soutenait que sa demande n’était assujettie à aucun délai de prescription, puisqu’elle cherchait uniquement à obtenir une déclaration modifiant les noms de l’inventeur et du titulaire du brevet inscrits conformément à l’article 52 de la Loi sur les brevets, et non une ordonnance corrective.
S’appuyant sur la jurisprudence en matière de jugements déclaratoires[2], la Cour a réaffirmé qu’une déclaration est une mesure circonscrite et qu’elle peut être demandée en l’absence de toute cause d’action. La Cour a conclu qu’une déclaration visée à l’article 52 de la Loi sur les brevets concernant l’inventeur d’un objet indiqué dans un brevet est une question de nature publique, et non une cause d’action privée; par conséquent, aucun délai de prescription ne s’applique.
Décharge
Autre moyen de défense soulevé par CES : la demanderesse ne pouvait rouvrir un litige sur une question ayant déjà fait l’objet d’une décharge contractuelle (la « décharge ») entre la société remplacée par la demanderesse et Ewanek. La décharge précisait que la société en question [traduction] « décharge et libère à tout jamais John Ewanek de toutes les actions, causes d’action, poursuites et demandes et de tous les contrats et dommages-intérêts de quelque nature que ce soit »[3].
À la lumière de la décision Salt Canada[4] rendue par la Cour fédérale en 2020, la Cour a conclu que la décharge n’empêchait pas la demanderesse de chercher à obtenir une déclaration modifiant le nom de l’inventeur inscrit au registre. La Cour a affirmé que la déclaration demandée ne constituait pas une réclamation contre Ewanek et que par conséquent, elle n’était pas une cause d’action relevant du champ d’application de la décharge.
Points à retenir
L’inscription du véritable inventeur au registre est l’un des pivots du système des brevets. Cette affaire révèle et réaffirme des points fondamentaux, notamment :
- le véritable inventeur est la personne qui conçoit l’idée à l’origine de l’invention et qui transpose la conception en un objet fonctionnel[5];
- la Cour fédérale réaffirme que les délais de prescription ne s’appliquent pas aux déclarations visées à l’article 52 de la Loi sur les brevets;
- les décharges générales n’empêchent pas la modification ni la radiation du registre du Bureau des brevets canadien.
[1] Loi sur les brevets, LRC (1985) c P-4.
[2] Calwell Fishing Ltd. Canada, 2016 CF 312, citant Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada, 2013 CSC 14.
[3] Secure Energy (Drilling Services) Inc. v. Canadian Energy Services LP, 2023 FC 906, au par. 73.
[4] Avant l’arrêt Salt Canada Inc. Baker, 2020 CAF 127 [Salt Canada], selon la jurisprudence établie par la Cour fédérale, celle-ci n’avait pas la compétence voulue pour déterminer qui était le titulaire d’un brevet lorsque la question devait être tranchée dans le cadre d’une demande et selon les principes de l’interprétation des contrats. Tout a changé avec Salt Canada. (Voir Secure Energy (Drilling Services) Inc. v. Canadian Energy Services LP, 2023 FC 906 au par. 20).
[5] Apotex Inc. v. Wellcome Foundation Ltd, [2001] 1 FC 495 (FCA).
Par Pablo Tseng et Anica Villamayor (étudiante en droit d’été)
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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