La Loi sur les pêches – pas seulement pour les pêcheurs!
La Loi sur les pêches – pas seulement pour les pêcheurs!
Au Canada, la compétence en matière d’environnement est partagée entre les trois ordres de gouvernement. La Loi sur les pêches est une pièce maîtresse de la législation fédérale en matière d’environnement. Elle est souvent bien moins connue sous cet aspect que les lois provinciales sur la protection de l’environnement. La Loi encadre la gestion et le contrôle des pêches, ainsi que la conservation et la protection du poisson et de son habitat, notamment par la prévention de la pollution. On oublie souvent à quel point la portée de la Loi est vaste.
Le paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches est susceptible d’avoir une incidence sur des activités exercées dans des régions éloignées ou dans des régions urbaines où l’on ne s’attendrait pas à ce que la « pêche » soit pratiquée. Cette disposition de la Loi interdit d’immerger ou de rejeter une « substance nocive » – ou d’en permettre l’immersion ou le rejet – dans « des eaux où vivent des poissons », ou en quelque autre lieu si le risque existe que la substance ou toute autre substance nocive provenant de son immersion ou rejet pénètre dans ces eaux. L’expression « substance nocive » est définie d’une manière large et s’entend de toute substance qui, si elle était ajoutée à l’eau, altérerait ou contribuerait à altérer la qualité de celle-ci au point de la rendre nocive, ou susceptible de le devenir, pour le poisson ou son habitat, ou encore de rendre nocive l’utilisation par l’homme du poisson qui y vit. Ainsi, les « substances nocives » englobent des substances allant des substances hautement toxiques jusqu’aux sédiments naturels du sol, par exemple. De plus, les tribunaux ont jugé que les craintes environnementales suscitées par les situations de « mort à petit feu » exigent que l’on interdise l’immersion ou le rejet de toute substance nocive, aussi minime soit sa concentration. L’immersion ou le rejet d’une quantité négligeable de substance nocive ne permet pas de faire l’économie de cette interdiction.
L’importance que la Loi sur les pêches accorde aux « eaux où vivent des poissons » et à la protection de l’habitat du poisson fait en sorte que l’on considère que cette loi s’applique à pratiquement toutes les masses d’eau intérieures, en plus, bien entendu, des océans, des fleuves et des rivières. Par exemple, un petit ruisseau qui coule à l’arrière d’une propriété privée relèverait du champ d’application de la Loi. On sait déjà que le ministère des Pêches et des Océans du Canada (le MPO) prend des mesures d’application en vertu de la Loi en cas d’immersion ou de rejet de substances nocives dans ce type de situation et qu’il n’est pas nécessaire que le plan d’eau visé ait été le récepteur initial du contaminant pour être assujetti aux règlements d’application de la Loi, ce qui en illustre bien la vaste portée.
Comme pour toute autre loi sur la protection de l’environnement, le défaut de signaler une immersion ou un rejet interdit, ou la forte probabilité ou l’imminence d’un tel événement, constitue une infraction distincte à la Loi sur les pêches. D’où l’importance de réagir rapidement en cas d’immersion ou de rejet, ou de probabilité d’une immersion ou d’un rejet, et de comprendre les obligations de déclaration prévues par la Loi en pareil cas.
Dans les situations où la détérioration de l’habitat du poisson est prévisible ou inévitable, la Loi prévoit un mécanisme permettant d’obtenir un permis autorisant la détérioration de l’habitat du poisson, par exemple, pendant des travaux de construction ou dans le cadre de ceux-ci.
L’amende maximale prévue par la Loi est de 12 millions de dollars. De plus, il est compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue toute infraction. La peine la plus sévère jamais imposée par un tribunal pour une infraction au paragraphe 36(3) de la Loi est une amende de 60 millions de dollars infligée en 2021 à la suite d’un déversement.
Il est important de noter que l’immersion ou le rejet visé au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches peut également donner lieu à des obligations en vertu des dispositions législatives environnementales provinciales en matière de déversements, notamment à des obligations de déclaration et d’assainissement, qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent se traduire par des accusations, des amendes et des pénalités distinctes en plus de celles prévues par la Loi.
Vaste portée des sanctions
Le contrôle de l’application des interdictions prévues par la Loi sur les pêches est exercé au moyen de poursuites quasi pénales qui, en cas de déclaration de culpabilité, peuvent donner lieu à des amendes importantes et à un casier judiciaire, voire, dans les cas extrêmes, à une peine d’emprisonnement.
Les dirigeants, les administrateurs, les représentants et les cadres supérieurs d’une société peuvent également être reconnus coupables d’une infraction, que l’entreprise ait ou non été accusée ou reconnue coupable.
Un exemple récent d’incident impliquant une violation de la Loi concerne une entreprise de location de voitures située à Dorval (Québec). Lors de la livraison du carburant, environ 15 000 litres d’essence se sont déversés dans le réseau d’égouts pluviaux local. L’essence déversée a fini par atteindre un ruisseau dont les eaux étaient considérées comme un habitat du poisson – comme la presque totalité des ruisseaux et de leurs affluents – et l’entreprise a été accusée, reconnue coupable et condamnée à une amende d’un million de dollars.
Un autre exemple récent d’un cas ayant donné lieu à une condamnation à une amende d’un million de dollars s’est produit au cours de travaux de construction effectués à North Vancouver lorsque du lixiviat de béton, un liquide résiduel commun provenant des chantiers de construction, a été rejeté pour finalement atteindre un cours d’eau à proximité.
En cas de possible infraction à la Loi sur les pêches, l’intéressé devrait consulter un avocat dans les plus brefs délais pour l’aider à réagir à l’incident et à rectifier son non-respect conformément aux obligations que la Loi lui impose. Le conseiller juridique veillera à tenir compte de toute la panoplie de droits procéduraux que la Charte canadienne des droits et libertés et la common law reconnaissent aux personnes faisant l’objet d’une enquête ou de mesures d’application de la part des autorités réglementaires. Si des accusations font l’objet d’une enquête ou sont portées en raison d’une infraction à la Loi, l’avocat pourra également aider l’intéressé à répondre aux mandats de perquisition et aux demandes d’entrevue et à contester les accusations devant les tribunaux.
Compte tenu de l’augmentation récente des mesures d’application prises par les autorités fédérales en vertu de la Loi sur les pêches, nous recommandons également aux entreprises, dans le cadre de la gestion des risques, d’évaluer soigneusement l’impact de leurs activités sur les « eaux où vivent des poissons » et de veiller à ce que des processus internes soient en place pour évaluer, éviter et/ou atténuer ces impacts. Même en plein cœur d’une grande ville, ces impacts sont susceptibles de se produire et d’attirer l’attention incommodante du MPO.
par Ralph Cuervo-Lorens, Talia Gordner et Martin Thiboutot
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.
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