Facteurs considérés dans la désignation d’un arbitre par les tribunaux : la capacité à se mettre immédiatement au travail - TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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Facteurs considérés dans la désignation d’un arbitre par les tribunaux : la capacité à se mettre immédiatement au travail

28 avril 2023 Bulletin en litige et règlements des différends Lecture de 5 min

Votre contrat comporte une clause d’arbitrage, sans toutefois stipuler le type d’arbitre ou le processus de désignation. Un différend survient. Votre cocontractant et vous proposez chacun des arbitres, mais n’arrivez pas à vous entendre sur une désignation commune. Que faites-vous?

Vous devez d’abord demander à la Cour de désigner une ou un arbitre en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la Loi de 1991 sur l’arbitrage de l’Ontario (la « Loi »). Lorsque la clause d’arbitrage « ne prévoit aucune procédure » de désignation, cet alinéa confère à la Cour un large pouvoir discrétionnaire en la matière[1].

Comment les tribunaux choisissent-ils parmi plusieurs personnes qualifiées? La Cour supérieure de justice de l’Ontario répond à cette question dans une décision récente : Van Doorn v. Loopstra Nixon, 2023 ONSC 1782 (« Van Doorn »). Prenant appui sur des principes directeurs tirés de la jurisprudence, la décision dans Van Doorn confirme que la Cour doit sélectionner la meilleure candidature, compte tenu des faits et des points litigieux. Il en découle que la Cour sera souvent portée à nommer la personne qui cumule le plus d’expérience comme juge ou arbitre dans des affaires liées au sujet en cause.

Contexte

L’affaire Van Doorn comportait un litige au sein d’un cabinet juridique constitué en société de personnes. Le demandeur avait proposé un ancien juge de la Cour suprême de l’Ontario qui, avant de devenir juge, était associé en litiges dans un grand cabinet. Ce candidat cumulait 20 ans d’expérience l’ayant amené à arbitrer de nombreux litiges de sociétés de personnes et à rendre une décision – confirmée en appel – dans un procès relatif à un litige similaire.

Le contrat de société de personnes exigeait que tous les différends soient [traduction] « soumis à l’arbitrage selon les dispositions de la Loi sur les arbitrages (Ontario)[2] », mais était muet quant à la procédure de désignation de l’arbitre.

Le demandeur avait proposé un ancien juge de la Cour supérieure de l’Ontario qui, avant de devenir juge, était associé en litiges dans un grand cabinet. Ce candidat cumulait 20 ans d’expérience l’ayant amené à arbitrer de nombreux litiges de sociétés de personnes et à rendre une décision – confirmée en appel – dans un procès relatif à un litige similaire.

Le cabinet juridique (défendeur) a donné le nom d’un associé en litiges d’un grand cabinet qui travaille aussi comme arbitre et d’un ancien associé en litiges d’un grand cabinet qui est devenu arbitre. Tous deux étaient reconnus par de multiples services d’évaluation des professionnels du droit, étaient membres de différents organismes d’arbitrage et avaient rendu des décisions arbitrales ou judiciaires, mais ni l’un ni l’autre n’avait arbitré un litige de société de personnes[3].

Incapable de s’entendre avec l’autre partie sur l’arbitre à nommer parmi les trois, le demandeur a demandé à la Cour de procéder à la désignation, en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la Loi.

Il voyait dans l’ancien juge le meilleur candidat, invoquant ses nombreuses décisions arbitrales et judiciaires et son expérience comme arbitre de litiges de sociétés de personnes.

Le défendeur lui préférait ses deux candidats, étant donné leur expérience récente comme associés d’un cabinet juridique et participants à la gouvernance de sociétés de personnes, supérieure à celle de l’ancien juge.

Analyse 

La Cour a commencé par souligner que l’alinéa 10(1)a) de la Loi ne définissait pas expressément les facteurs à prendre en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire large de désignation d’une ou un arbitre. Elle s’est toutefois référée à la jurisprudence pour énoncer les principes directeurs suivants :

  1. L’arbitre doit être impartial et indépendant des parties et être suffisamment qualifié pour arbitrer le différend[4];
  2. S’il y a plusieurs candidatures qualifiées, la Cour doit sélectionner l’arbitre [traduction] « le plus apte, par sa profession ou ses fonctions, à trancher l’affaire » ou, en d’autres mots, la personne la mieux placée pour assumer le rôle [traduction] « compte tenu de la nature des questions qui se posent en l’espèce et les faits sous-jacents au différend »[5];
  3. L’expérience relative comme juge ou arbitre dans des litiges est souvent un facteur déterminant;[6]
  4. La connaissance du sujet technique du différend, à elle seule, ne suffit pas[7];
  5. Au nombre des facteurs secondaires figurent les titres de compétences, l’expertise, la disponibilité, le lieu et le coût[8].

La Cour a reconnu que les trois arbitres proposés étaient bien connus dans le milieu de l’arbitrage et avaient l’ensemble des qualités requises.

Elle a cependant déterminé que l’ancien juge était le meilleur choix pour l’affaire à entendre, car il avait tranché plus de différends en général, et plus de litiges de sociétés de personnes en particulier, comparativement aux candidats du défendeur. Ces derniers avaient plus d’expérience récente comme associés d’un cabinet juridique, mais la Cour n’a pas estimé ce point nécessaire ou important pour statuer sur le litige.

Soulignant qu’il s’agissait en réalité de savoir [traduction] « qui était le plus à même de se mettre immédiatement au travail, avec peu voire pas de temps pour se familiariser avec l’objet du différend », elle a arrêté son choix sur l’ancien juge, au motif qu’il avait tranché plus de différends en général, et plus de litiges de sociétés de personnes en particulier[9].

Points à retenir

Les points importants à retenir de cette décision sont les suivants :

  1. Grosso modo, l’expérience relative comme juge ou arbitre l’emporte sur la connaissance du sujet technique du différend.
  2. Toutes choses étant égales par ailleurs, les tribunaux préféreront nommer la personne qui a statué sur le plus grand nombre de litiges, surtout si elle l’a déjà fait dans des matières similaires, puisqu’elle sera la plus à même de se mettre immédiatement au travail.
  3. Le choix de l’arbitre figure parmi les décisions les plus importantes que doivent prendre les parties à un litige. Pourquoi laisser au hasard les qualifications et attributs de l’arbitre potentiel quand on peut les définir expressément dans sa clause d’arbitrage? Si vous avez un profil précis en tête (connaissances, compétences, bagage), décrivez-le dans la clause.
  4. Enfin, pourquoi ne pas éviter les frais associés au dépôt d’une requête de désignation d’arbitre? Les parties sont libres d’incorporer à leur clause les règles d’arbitrage prêtes à l’usage publiées par divers organismes du domaine, lesquelles portent, entre autres, sur la désignation d’arbitres. Par exemple, les Règles d’arbitrage de l’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada comportent des clauses permettant aux parties, en cas de désaccord, de demander à l’Institut de procéder à la désignation requise. L’Institut remettra une même liste d’arbitres aux deux parties et éliminera chaque nom suscitant une objection, jusqu’à ce qu’il ne reste que des candidatures mutuellement acceptables, puis sélectionnera parmi celles-ci l’arbitre correspondant le mieux aux exigences et préférences des parties et à la nature du litige.

[1] Loi de 1991 sur l’arbitrage, L.O. 1991, ch. 17.
[2] Van Doorn, par. 4.
[3] Id., par. 14.
[4] Id., par. 18 et 21.
[5] Id., par. 17.
[6] Id., par. 19.
[7] Id., par. 20.
[8] Id., par. 18.
[9] Id., par. 28.

by Brad Hanna, Jeremy Rankin et Sezen Izer

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt obtenir des conseils juridiques précis.

© TRC-Sadovod S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2023

 

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