Le moment est venu de s’exécuter : conseils pratiques à l’égard de l’ACEUM destinés aux fabricants automobiles
Le moment est venu de s’exécuter : conseils pratiques à l’égard de l’ACEUM destinés aux fabricants automobiles
En raison de la pandémie de COVID-19, les fabricants et les fournisseurs du secteur de l’automobile ont dû s’adapter à de nouvelles règles au moment de la mise en vigueur de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM »), le 1er juillet 2020. L’ACEUM a des exigences plus rigoureuses touchant les véhicules et les pièces originaires que l’accord qui l’a précédé, l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALENA »). Parmi les changements les plus dignes de mention, mentionnons l’augmentation des exigences en matière de teneur en valeur régionale (« TVR »), qui sont passées de 62,5 % à 75 % pour les véhicules automobiles et les camions légers, et de 60 % à 70 % pour les camions lourds. L’ACEUM exige également que 40 % de la teneur en valeur-travail (« TVT ») d’un produit automobile provienne de travailleurs qui gagnent au moins 16 $US l’heure. Ces exigences en matière de TVT sont nouvelles et ne faisaient partie d’aucun accord de libre-échange avant l’ACEUM. De plus, au moins 70 % de l’acier et de l’aluminium achetés par les fabricants automobiles doivent provenir des pays parties à l’ACEUM. (Voir à ce sujet notre commentaire précédent sur l’ACEUM ici.)
Le Canada, les États-Unis et le Mexique (chacun, une « Partie » et collectivement, les « Parties ») ont publié la Réglementation uniforme trilatérale pour les procédures d’origine[1] et la Réglementation uniforme trilatérale pour les règles d’origine[2] (ensemble, la « Réglementation uniforme »), dans le but d’assurer la cohérence de l’interprétation et de l’application des procédures et des règles d’origine de l’ACEUM. La Réglementation uniforme sera particulièrement importante pour les fabricants automobiles à l’égard de la conformité à l’ACEUM, car les règles relatives aux véhicules et aux pièces sont très complexes. Bien que les administrations des douanes n’imposent pas de droits punitifs pendant la première année afin de donner aux entreprises le temps de se conformer aux nouvelles règles[3], ces dernières devraient sans tarder modifier leurs politiques pour éviter de se voir imposer des pénalités à l’avenir. Plus précisément, les entreprises seraient avisées d’élaborer des politiques pour :
- examiner la certification antérieure préalable des marchandises au titre de l’ALENA afin d’établir la nouvelle certification au titre de l’ACEUM;
- assurer la consignation appropriée des marchandises certifiées, y compris le certificat d’origine, le certificat de TVT ainsi que le certificat de l’acier et de l’aluminium;
- tenir à jour une base de données qui comprend la certification, ainsi que le nom et les coordonnées des personnes à qui l’entreprise a fourni un certificat;
- assurer la tenue et la gestion des documents;
- assurer la coordination avec les courtiers en douanes, le cas échéant.
1. Revue de la certification au titre de l’ALENA
Il est possible que les marchandises admissibles à un traitement tarifaire préférentiel au titre de l’ALENA ne soient pas admissibles à un même traitement au titre de l’ACEUM. En plus d’exigences plus rigoureuses quant à la TVR, une autre distinction notable entre l’ALENA et l’ACEUM est le fait que l’on calcule différemment la TVR des marchandises. Afin d’assurer la conformité aux exigences quant à la TVR, les entreprises doivent passer en revue leur certification au titre de l’ALENA et établir s’il convient d’effectuer une nouvelle certification de leurs marchandises au titre de l’ACEUM. De même, il est conseillé aux entreprises d’évaluer leur chaîne d’approvisionnement afin d’établir s’il y a lieu de mettre en œuvre des pratiques de vérification pour veiller au bon calcul de la TVR de leurs produits (voir la différence de TVR entre l’ACEUM et le PTPGP dans notre article précédent ici).
2. Exigences de certification au titre de l’ACEUM
Au moment de la demande de traitement tarifaire préférentiel, les importateurs doivent avoir préparé un certificat d’origine prouvant que les marchandises respectent les exigences quant à l’origine et qu’elles sont donc considérées comme originaires. Bien que l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») n’exige pas que le certificat d’origine soit présenté au moment de l’importation, ce certificat doit être produit sur demande[4].
La Réglementation uniforme précise qu’un certificat d’origine peut être utilisé pour une expédition de marchandises ou pour plusieurs expéditions de marchandises identiques. L’importateur, l’exportateur ou le producteur des marchandises peut remplir le certificat d’origine, et il n’y a pas de format prescrit pour ce formulaire[5]. Si l’exportateur n’est pas le producteur du produit, il peut remplir le certificat en se fiant raisonnablement à la déclaration écrite du producteur selon laquelle les marchandises sont originaires.
De plus, l’ACEUM accorde plus de souplesse aux importateurs qui peuvent demander un traitement tarifaire préférentiel en se basant sur un certificat d’origine rempli par l’exportateur, le producteur ou l’importateur lui-même. Toutefois, si l’importateur a des raisons de croire que le certificat d’origine contient des renseignements erronés, il doit sans tarder corriger le document d’importation et verser les droits exigibles.
Contrairement à l’ALENA, il est possible de soumettre par voie électronique un certificat d’origine au titre de l’ACEUM, ce qui offre aux entreprises plus de facilité et de souplesse en ce qui concerne la gestion et la conservation des documents.
Le certificat d’origine doit contenir les renseignements suivants[6] :
- renseignement à savoir si le certificateur de l’origine est l’importateur, l’exportateur ou le producteur;
- nom et coordonnées du certificateur;
- nom et coordonnées de chacun des exportateurs, producteurs et importateurs;
- description et classement du produit dans le système harmonisé de tarification;
- critères d’origine selon lesquels les marchandises sont admissibles;
- si le certificat est destiné à de multiples expéditions de marchandises identiques, la période en question;
- date, signature autorisée et attestation de certification.
Les autorités douanières ne sont pas autorisées à rejeter un certificat d’origine uniquement en raison d’erreurs ou d’anomalies mineures. En cas d’erreurs mineures, l’importateur doit se voir accorder au moins cinq jours ouvrables pour fournir à l’administration des douanes un certificat d’origine corrigé[7]. Bien que cela donne une certaine marge de manœuvre aux entreprises qui doivent s’adapter aux nouvelles règles, ainsi qu’à celles qui élaborent leurs politiques en matière de certificats et de tenue de registres, elles doivent être prêtes à fournir les bons renseignements pour rectifier rapidement le document.
Lorsque l’administration des douanes convient que des marchandises ne sont pas originaires, l’exportateur ou le producteur doit informer toutes les personnes à qui il a remis un certificat d’origine à l’égard du produit visé par la détermination[8]. À cet égard, les exportateurs et les producteurs doivent tenir une base de données qui comprend le nom et les coordonnées des personnes à qui ils ont fourni un certificat d’origine. Les entreprises devraient élaborer des procédures pour aviser rapidement ces personnes afin de s’assurer que le certificat en question ne sera pas utilisé par la suite.
Certificats supplémentaires
Les producteurs de véhicules automobiles, de camions légers et de camions lourds sont également tenus de préparer trois autres certificats pour recevoir un traitement tarifaire préférentiel au titre de l’ACEUM, soit un certificat de TVT, d’acier et d’aluminium[9].
Aux États-Unis, les producteurs doivent fournir une certification de TVT prouvant que les véhicules importés respectent les exigences en matière de salaire élevé (TVT) de l’ACEUM[10]. Les exigences de TVT étant une nouvelle disposition dans les accords de libre-échange, il peut régner une certaine incertitude quant au calcul de la TVT de marchandises. Par conséquent, les fabricants automobiles doivent élaborer des politiques pour s’assurer de respecter cette règle. Bien que le service de douanes et de la protection des frontières des États-Unis (« CBP ») exige que les producteurs, et non les fournisseurs, certifient la conformité, les fabricants automobiles doivent s’adresser à leurs fournisseurs pour s’assurer qu’une partie suffisante de la chaîne d’approvisionnement répond aux exigences en matière de TVT.
Les certificats de TVT, d’acier et d’aluminium peuvent être déposés en ligne au moyen du site Web du CBP. Au Canada, l’ASFC n’a pas encore mis à disposition une telle base de données.
3. Conservation des documents et tenue des registres
L’ACEUM oblige également les importateurs, les exportateurs et les producteurs à tenir un registre soigné de tout document relatif aux marchandises importées ou exportées. Cette exigence s’applique également aux marchandises pour lesquelles le certificat d’origine n’est pas exigé ou a fait l’objet d’une renonciation[11]. Pendant une période d’au moins cinq ans (six ans au titre de la loi canadienne) à compter de la date d’importation des marchandises, les importateurs qui demandent un traitement tarifaire préférentiel doivent conserver les registres et les documents se rapportant aux éléments suivants :
- l’importation;
- le statut d’origine des marchandises, si la demande était fondée sur un certificat d’origine rempli par l’importateur;
- les obligations de l’importateur au titre du paragraphe 5.4.1 de l’ACEUM[12].
Rappel pour les entreprises qui embauchent des courtiers en douanes : c’est l’entreprise, et non le courtier, qui est responsable de tous les documents exigés. Bien qu’il soit pratique courante pour le courtier en douanes de gérer les documents relatifs aux marchandises importées ou exportées, les administrations des douanes tiendront l’entreprise responsable du défaut de produire les documents exigés. Il revient donc aux entreprises d’élaborer des politiques pour s’assurer d’avoir un accès immédiat à tous les documents en possession de leur courtier en douanes.
L’ACEUM permet à une Partie importatrice d’effectuer une vérification au moyen d’une demande écrite ou en visitant les locaux de l’entreprise[13]. En prévision d’une vérification effectuée par une administration des douanes, l’importateur, l’exportateur ou le producteur devrait élaborer des politiques et des procédures et être prêt à fournir des documents relatifs aux marchandises en question.
4. Conclusion
Les fabricants automobiles et de pièces devront porter une attention particulière aux nouvelles exigences de conformité plus rigoureuses imposées au titre de l’ACEUM. Afin d’éviter des pénalités, il faudra passer en revue les certificats et mettre en place des systèmes de tenue de registres appropriés avant l’expiration du délai de grâce d’un an. Les équipes Commerce international et Douanes et taxes de TRC-Sadovod peuvent fournir des conseils aux entreprises et les aider à se conformer en toute sécurité à ces nouvelles exigences de conformité au titre de l’ACEUM.
[1] Canada, « Réglementation uniforme concernant l’interprétation, l’application et l’administration des chapitres 5 (procédures d’origine), 6 (produits textiles et vêtements) et 7 (administration des douanes et facilitation des échanges) de l’Accord entre les États‐Unis d’Amérique, les États‐Unis mexicains, et le Canada. » [Réglementation uniforme concernant les procédures d’origine], en ligne : Gouvernement du Canada.
[2] Canada, « Réglementation uniforme portant sur l’interprétation, l’application et l’administration du chapitre 4 (règles d’origine) et les dispositions connexes du chapitre 6 (produits textiles et vêtements) de l’accord entre les États-Unis d’Amérique, les États-Unis mexicains, et le Canada » [Réglementation uniforme pour les règles d’origine] », en ligne : Gouvernement du Canada.
[3] David Lawder, « Automakers may avoid compliance penalties under new North American trade pact for a year [Les fabricants automobiles peuvent éviter pendant un an les pénalités pour non-respect de l’Accord de libre-échange nord-américain] » (30 juin 2020), en ligne : Reuters.
[4] Énoncé des mesures de mise en œuvre du Canada, Accord Canada-États-Unis-Mexique (le 22 août 2020), la Gazette du Canada, Partie I, volume 154, numéro 34, chapitre 5, article 5.4, en ligne : Gazette du Canada [Énoncé des mesures de mise en œuvre du Canada].
[5] Accord Canada-États-Unis-Mexique entre le Canada, les États-Unis et le Mexique [ACEUM], 1er juillet 2020, chapitre 5, paragraphes 5.2(1) et 5.2(3).
[6] Ibid, annexe 5-A (éléments de données minimales)
[7] ACEUM, article 5.7.
[8] Réglementation uniforme concernant les procédures d’origine, supra, note 1, 2.
[9] US Customs and Border Protection, United States-Mexico-Canada Agreement (USMCA) Implementing Instructions [Instructions de mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis–Mexique (ACEUM)] (CBP Publication No 1118-0620) (Washington, DC), p. 10 [CBP USMCA Implementing Instructions].
[10] Accord Canada-États-Unis-Mexique : Ce que les importateurs doivent savoir – Certification de l’origine des marchandises, ASFC, 1er juillet 2020.
[11] Énoncé des mesures de mise en œuvre au Canada, supra note 4, chapitre 5, article 5.8.
[12] ACEUM, supra note 4, chapitre 5, article 5.8.
[13] ACEUM, supra note 4, chapitre 5, article 5.9(1).
par Jonathan O’Hara, Jamie Wilks et Chris Scheitterlein
Mise en garde
Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.
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