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Le Canada signe un cadre de coopération avec les organismes d’application du droit de la concurrence de chacun des pays formant le Groupe des cinq

Septembre 2020 Bulletin du droit de la concurrence Lecture de 6 min

Le 2 septembre 2020, le Bureau de la concurrence a annoncé qu’il avait signé un nouveau cadre de mise en application du droit de la concurrence avec les organismes pertinents des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les quatre autres pays membres de l’alliance dans le secteur des renseignements que l’on appelle le « Groupe des cinq ».

Le Cadre multilatéral de coopération et d’assistance mutuelle des autorités de la concurrence (le « Cadre de coopération ») améliorera la capacité du Bureau à coopérer avec les autres organismes qui veillent à l’application du droit de la concurrence. Le Cadre de coopération comprend notamment un accord modèle auquel les organismes participants peuvent avoir recours comme base de négociation de leurs futurs accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux.

Les mécanismes de coopération existants

À l’heure actuelle, la coopération entre le Bureau et les organismes étrangers responsables de l’application du droit de la concurrence s’opère essentiellement en vertu de trois cadres.

Premièrement, quant à l’application des lois portant sur la concurrence, le Bureau a recours à des accords de coopération intergouvernementale. Le Canada a conclu ce genre d’accord de gouvernement à gouvernement avec les États-Unis, le Mexique, le Japon et l’Union européenne, qui figurent parmi ses plus importants partenaires commerciaux.

Deuxièmement, le Bureau a signé des instruments de coopération interorganismes avec les organismes responsables de la concurrence de 14 États. Ces instruments sont généralement désignés sous le nom de protocoles d’entente ou de mécanismes de coopération[1].

Les accords de coopération intergouvernementale et les instruments de coopération interorganismes contiennent généralement des principes et des clauses de fond qui se ressemblent beaucoup, dont les suivants :

  • un mécanisme de notification entre les parties pour les activités de mise en application du droit de la concurrence susceptibles de porter atteinte à des intérêts importants de l’autre partie;
  • une coopération fondée sur l’échange de renseignements pouvant être utiles aux activités de mise en application de l’autre partie;
  • une coordination en matière d’activités de mise en application concernant des questions connexes;
  • la protection des renseignements personnels et les restrictions concernant l’utilisation qu’une partie peut faire des renseignements qui lui sont communiqués par l’autre.

Troisièmement, le Canada est signataire de bon nombre de traités d’entraide juridique (les « TEJ ») bilatéraux et multilatéraux[2]. Les TEJ offrent au Canada et à ses contreparties étrangères un mécanisme leur permettant de se demander de l’aide aux fins de mener des enquêtes criminelles et de mettre en application les lois criminelles, notamment celles qui concernent des infractions au droit de la concurrence. La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle[3] (la « Loi sur l’EJMC ») confère au gouvernement canadien le pouvoir de conclure des TEJ en matière criminelle, en plus de définir le type d’aide pouvant être accordée à un État étranger par le Canada aux termes d’un TEJ et de préciser la procédure à suivre pour accorder cette aide. Aux termes de la Loi sur l’EJMC, les formes d’aide que le gouvernement canadien est autorisé à accorder à un co-signataire sur demande comprennent la perception des amendes[4], le blocage, la saisie ou la confiscation de biens[5], les perquisitions, fouilles et saisies[6], le fait de contraindre une personne à se faire interroger et à produire des documents[7], l’examen d’un lieu ou d’un emplacement au Canada[8] et le transfèrement de personnes détenues[9]. Toutefois, concrètement, les formes d’aide que le gouvernement canadien est autorisé à offrir et les circonstances dans lesquelles cette aide peut être accordée sont définies par les modalités précisées dans le TEJ qui s’applique. Généralement, aux termes de la Loi sur l’EJMC, lorsqu’une demande d’assistance valide est présentée par un co-signataire à un organisme canadien chargé de l’application de la loi (dont le Bureau de la concurrence), celui-ci doit d’abord présenter une requête au tribunal afin d’être autorisé à mettre en œuvre la demande d’assistance. Les tribunaux surveillent de près l’ensemble du processus d’assistance aux termes de la Loi sur l’EJMC.

Traités d’entraide judiciaire en matière de concurrence en droit civil

En plus des trois cadres de coopération internationale dont nous avons discuté précédemment, la partie III de la Loi sur la concurrence[10] confère au gouvernement canadien le pouvoir de conclure des TEJ avec des gouvernements étrangers à l’égard de questions de droit de la concurrence qui sortent du champ d’application de la Loi sur l’EJMC. C’est le cas des questions qui relèvent du droit civil de la concurrence, comme les fusions et les enquêtes sur abus de position dominante. La Loi sur la concurrence encadre le recours aux procédures contraignantes au Canada, comme l’obtention de mandats de perquisition et de saisie et les demandes d’ordonnances visant la production de documents, de renseignements et de dépositions orales, en vue de l’obtention d’éléments de preuve à l’appui de l’enquête d’un organisme étranger. Cette procédure est sensiblement la même que celle établie pour les affaires criminelles aux termes de la Loi sur l’EJMC. Bien que la partie III de la Loi sur la concurrence ait été promulguée en 2002, à ce jour, le Canada n’a toujours pas conclu de TEJ en matière civile aux termes de ces dispositions.

Importance du nouveau Cadre de coopération

Le Cadre de coopération envisage d’accroître la coopération de haut niveau entre les organismes responsables de la concurrence au sein des cinq administrations, notamment des façons suivantes :

  • l’échange de renseignements sur le développement de questions, de politiques et de lois en matière de concurrence;
  • un partage de l’expérience touchant la promotion de la concurrence et la sensibilisation à la concurrence, y compris en ce qui concerne les consommateurs, l’industrie et le gouvernement;
  • un rehaussement de la capacité et de l’efficacité des organismes par des conseils ou de la formation dans les domaines d’intérêt mutuels, y compris par des échanges d’agents et des activités d’échange sur leur expérience;
  • la communication des pratiques exemplaires par l’échange de renseignements et le partage des expériences sur les questions d’intérêt mutuel, y compris les méthodes d’application de la loi et les priorités;
  • la collaboration dans le cadre de projets d’intérêt mutuel, y compris par l’établissement de groupes de travail ciblant des questions précises.

Il convient de souligner que le Cadre de coopération prévoit un accroissement de l’entraide et de la coopération en matière d’enquêtes et d’activités de mise en application. L’inclusion d’un accord modèle est fondamentale à ce chapitre.

Cet accord modèle se démarque à deux égards. D’abord, les formes d’assistance qui y sont envisagées vont bien au-delà de l’échange d’information et de la coordination des activités de mise en application qui se retrouvent généralement dans les instruments de coopération intergouvernementale et interorganismes auxquels a recours le Bureau. Comme c’est le cas avec les TEJ en matière criminelle, l’accord modèle prévoit le recours à des procédures contraignantes pour l’obtention de renseignements à la demande d’une autre partie, notamment les suivantes :

  • recueillir des témoignages ou des déclarations de personnes ou obtenir d’une autre manière des renseignements d’enquête auprès de personnes;
  • obtenir des documents ou d’autres types de renseignements d’enquête;
  • localiser ou identifier des personnes ou des objets;
  • exécuter des perquisitions et des saisies.

Ensuite, l’accord modèle est rédigé de façon à prévoir que les lois applicables « aux cartels et aux autres accords anticoncurrentiels, aux conduites unilatérales ou aux pratiques monopolistiques, et au contrôle des fusions » relèvent de son champ d’application. En d’autres mots, l’assistance dans le cadre d’enquêtes pourrait être offerte aux termes de l’accord modèle pour les dossiers de droit de la concurrence appartenant autant au droit civil qu’au droit criminel.

Reste à voir comment les signataires du Cadre de coopération l’utiliseront comme fondement à la négociation de nouveaux instruments de coopération. Il n’en demeure pas moins que l’inclusion dans le Cadre de coopération d’un accord modèle comportant ces caractéristiques importantes est une étape non négligeable. Celle-ci s’inscrit dans le contexte des efforts déployés par le Bureau depuis déjà quelques années en vue d’améliorer sa capacité à collaborer avec les organismes étrangers chargés de la concurrence, et elle pose les jalons devant permettre au Bureau de recourir à la partie III de la Loi sur la concurrence.

par William Wu et Sarah Stirling-Moffet

[1] L’Australie, le Brésil, la Corée du Sud, le Chili, la Chine, la Colombie, les États-Unis, Hong Kong, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et Taïwan.
[2] À l’heure actuelle, le Canada est co-signataire de TEJ avec les pays suivants : l’Afrique du Sud, l’Allemagne, Antigua-et-Barbuda, l’Argentine, l’Australie, l’Autriche, les Bahamas, la Barbade, la Belgique, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, Cuba, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, Hong Kong, la Hongrie, l’Inde, Israël, l’Italie, la Jamaïque, le Kazakhstan, le Kenya, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas, le Pérou, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Russie, la Suède, la Suisse, la Thaïlande, Trinité-et-Tobago, l’Ukraine et l’Uruguay. En outre, le Canada est également partie à la Convention interaméricaine sur l’assistance mutuelle pour la criminalité, dont les co-signataires comprennent notamment Antigua-et-Barbuda, l’Argentine, les Bahamas, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, la Dominique, l’Équateur, les États-Unis, la Grenada, le Guatemala, la Guyane, le Honduras, la Jamaïque, le Kazakhstan, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République tchèque, le Salvador, le Suriname, Trinité-et-Tobago, l’Uruguay et le Venezuela.
[3] L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl.).
[4] Id. art. 9.
[5] Id. art. 9.3.
[6] Id. art. 12.
[7] Id. art. 18.
[8] Id. art. 23.1.
[9] Id. art. 24.
[10] L.R.C. (1985), ch. C-34. (Can.)

Mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu’un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas être interprété en tant que conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers juridiques.

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