Le Conte de deux politiques : divergence des décisions d’arbitrage sur la vaccination obligatoire en C.-B.
Par Kristen Shaw
Pendant la pandémie, de nombreux employeurs se sont dotés de politiques de vaccination obligatoire lorsque les vaccins contre la COVID-19 ont été suffisamment répandus. Si l’objectif premier de ces politiques consiste à garantir la santé et la sécurité des employés, il est toutefois intéressant de noter à quel point leur teneur tend à varier radicalement en fonction du lieu de travail.
Sans grande surprise, de nombreux employés se sont opposés à la mise en œuvre de telles politiques, ce qui a donné lieu à des litiges quant à leur validité. Les premières décisions sont déjà rendues et, à l’instar des politiques elles-mêmes, elles varient grandement. Deux décisions récemment rendues en Colombie-Britannique illustrent bien ces écarts.
Contexte
La première décision concerne la politique de vaccination obligatoire de la British Columbia Hydro and Power Authority (« BC Hydro »). La politique en l’espèce exigeait que tous les employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-191 et ne prévoyait aucune solution de rechange à la vaccination. BC Hydro a instauré cette politique en réponse aux demandes d’autres employeurs et tiers traitant avec ses employés et pour mitiger les risques d’éclosions dans ses camps éloignés. À la suite de son adoption, 44 employés ont été contraints de prendre un congé sans solde en raison de leur statut vaccinal. Le syndicat représentant un tiers des employés de BC Hydro a contesté la politique au motif qu’elle nuisait au gagne-pain de ces employés et qu’il existait des mesures moins intrusives que la vaccination pour atteindre le même objectif.
La deuxième concerne une politique de vaccination de Finning (Canada) (« Finning ») qui exigeait que tous les employés divulguent leur statut vaccinal. Tout employé choisissant de ne pas le faire ou affirmant ne pas être adéquatement vacciné était tenu de présenter la preuve d’un résultat négatif à un test antigénique rapide subi dans les 72 heures précédant son entrée dans les locaux de Finning2. Le syndicat représentant les employés de Finning s’est opposé à cette politique au motif qu’elle imposait un coût à l’employé, à la fois en argent et en temps.
Le 21 mars 2022, un arbitre a confirmé la validité de la politique de vaccination obligatoire de BC Hydro. À peine dix jours plus tard, le 31 mars 2022, un autre a jugé que la politique de vaccination de Finning était déraisonnable dans la mesure où elle obligeait les employés à assumer le coût des tests. Nous examinons ci-dessous les raisonnements qui sous-tendent ces décisions et leurs conséquences pour les employeurs.
Raisonnement des arbitres
Dans le cas de BC Hydro, l’arbitre a noté que pour contrebalancer l’atteinte à la vie privée et à l’intégrité des employés, BC Hydro devait démontrer que sa politique de vaccination obligatoire était raisonnablement nécessaire. Pour trancher cette question, il a tenu compte du fait que BC Hydro avait mis en place plusieurs mesures de santé et de sécurité avant d’appliquer sa politique de vaccination obligatoire, mais que, malgré ses efforts, elle avait quand même connu deux éclosions importantes et plusieurs cas graves, dont trois décès. Il a également tenu compte du fait que le responsable provincial de la santé avait désigné les travailleurs des sites industriels comme étant à « risque élevé » et ces sites comme étant des zones à risque d’éclosions.
L’arbitre a jugé que la vaccination était la meilleure mesure pour prévenir la transmission de la maladie, les autres n’étant pas fiables. Les antécédents de BC Hydro en matière d’éclosions ont pesé lourd dans la balance, mais l’arbitre a fait remarquer qu’un employeur avait le droit d’adopter une approche préventive et d’agir avant d’avoir la preuve de l’existence d’une éclosion. En fin de compte, l’arbitre a tranché que la politique était raisonnable et dans l’intérêt supérieur de l’employeur, des employés, des clients et du public, et qu’elle primait à ce titre l’empiètement sur les intérêts des employés placés en congé sans solde.
L’arbitre a également noté que ces employés avaient pris la difficile décision de ne pas se faire vacciner, ce qui leur avait causé une perte de revenu, mais qu’ils n’avaient pas été sanctionnés pour autant. La raison d’être du congé sans solde est de protéger tous les employés et de leur offrir un lieu de travail sûr, et non de servir de mesure disciplinaire ou de licenciement pour un employé qui ne se conforme pas à la politique.
À l’inverse, dans le dossier de Finning, l’arbitre s’est penché uniquement sur la question de savoir s’il était raisonnable d’imposer aux employés de payer le coût des tests rapides et de pas les dédommager pour le temps consacré à la démarche. Contrairement au cas de BC Hydro, il ne s’agissait pas de déterminer si la politique de vaccination obligatoire dans son ensemble était raisonnable. Plus précisément, l’arbitre a déclaré :
[traduction] « La question de savoir si une politique de vaccination obligatoire (sans test rapide) est raisonnable dans ces circonstances particulières n’est pas celle que l’on m’a demandé de trancher. Lorsque l’employeur a proposé le test rapide comme solution de rechange à la vaccination obligatoire, il s’est exposé à l’examen de cette option [sous l’angle de l’exercice légitime des droits de gestion]. »
Étant donné la portée de l’enjeu, l’arbitre a appuyé sa décision sur la conclusion qu’en ne couvrant pas les coûts des tests, Finning avait créé un obstacle à la présence au travail des employés qui ne souhaitaient pas divulguer leur statut vaccinal. Finning aurait dû assumer le coût des tests en vertu de sa convention collective, qui l’oblige à payer pour les mesures visant à assurer la santé et la sécurité des employés sur le lieu de travail.
Néanmoins, cette portée restreinte a également limité la sentence arbitrale. L’arbitre a déclaré qu’il était déraisonnable de demander aux employés d’assumer le coût des tests, rendant cet aspect de la politique invalide, et a ordonné à Finning de couvrir les coûts associés à l’obtention des tests. Il n’a toutefois pas déclaré la politique déraisonnable ou invalide dans son ensemble.
Qu’est-ce que cela signifie pour les autres employeurs?
Ces deux décisions reflètent la volonté des arbitres de reconnaître la validité des politiques de vaccination obligatoire, mais en limitant la manière dont elles affectent les employés. Ce qui ressort clairement de ces deux décisions, c’est que les employés ne doivent pas faire l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un licenciement pour un manquement à une telle politique ni être contraints d’assumer les coûts des solutions de rechange à la vaccination.
Cet article ne reprend que deux décisions récentes relatives aux politiques de vaccination. Comme indiqué plus haut, ces décisions peuvent varier considérablement en fonction de la province et de la teneur de la politique en question. Les employeurs doivent se tenir au courant des décisions relatives aux politiques de vaccination et de l’évolution des niveaux de risque concernant la COVID-19, appelés à changer au fil du temps. Comme pour toutes les obligations et les restrictions entourant la COVID-19, la question n’est pas réglée et continuera probablement à évoluer au cours des prochains mois.
Vous avez des questions concernant les politiques de vaccination obligatoire ou d’autres sujets relatifs à la COVID-19? Un membre de notre groupe Emploi et relations de travail se fera un plaisir de vous aider.
1. BC Hydro and Power Authority and IBEW, Local 258, Re, 2022 CarswellBC 837
2. Finning (Canada) and IAMAW, Vancouver Lodge 692 (COVID-19 Vaccination Disclosure Policy), Re, 2022 CarswellBC 838.