Projet de loi 29 – Mise en place potentielle d’un droit à la réparation et d’une interdiction de l’obsolescence programmée qui affecterait les appareils électroménagers et électroniques
Projet de loi 29 – Mise en place potentielle d’un droit à la réparation et d’une interdiction de l’obsolescence programmée qui affecterait les appareils électroménagers et électroniques
Le Québec est reconnu pour la générosité du régime de sa Loi sur la protection du consommateur[1] (la “LPC“), y compris certaines garanties légales de durabilité et d’utilité qui ne peuvent être mises de côté par les entreprises faisant affaire dans la province[2]. Ce régime robuste pourrait se voir renforcé encore davantage avec le dépôt du projet de loi 29 – Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparation et l’entretien des biens[3] .
Ce n’est pas la première fois qu’une législation enchâssant ces concepts est proposée[4], mais les tentatives précédentes étaient l’initiative de députés individuels alors que la législation actuelle émane du gouvernement, ce qui pourrait lui donner un élan plus important, celle-ci étant notamment basée sur des concepts populaires de durabilité, de protection de l’environnement et de droits des consommateurs. Le travail sur le projet de loi devrait reprendre lorsque l’Assemblée nationale se réunira à nouveau à l’automne 2023.
Dans le présent bulletin, nous désignons le nouveau projet de loi par l’expression “Projet de loi 29“, et la LPC, tel qu’elle serait amendée, par l’expression “LPC amendée“. Nous y examinons les impacts et les mécanismes du droit à la réparation que ce dernier crée sur tous les produits vendus au Québec, ainsi que certaines règles qui s’appliqueront spécifiquement à certains électroménagers et produits électroniques, ainsiqu’à leurs fabricants. Enfin, nous examinons les mises à jour (et le renforcement) des sanctions applicables.
Exigences générales
Le cœur du Projet de loi 29 consiste à :
- Interdire l’obsolescence programmée d’un bien, c’est-à-dire toute technique visant à réduire la durée de vie normale d’un produit, et la vente de tels biens[5] ; et
- Donner aux consommateurs le droit de réparer leurs biens, notamment en interdisant l’utilisation de techniques qui rendraient plus difficile la réparation d’un produit par le client[6] .
Par exemple, la LPC exigeait depuis longtemps que les entreprises maintiennent une réserve de pièces de rechange et des services de réparation pendant une période raisonnable après une vente, à moins que cette indisponibilité ne soit annoncée par écrit.[7] Maintenant, en vertu de la LPC amendée, il serait possible de préciser, par règlement, certains types de pièces ou de services qui ne pourront pas être exclus[8]. Ces règlements exigeront également que le commerçant et/ou le fabricant divulgue certaines informations relatives à la disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation, ainsi que les informations nécessaires à l’exécution de cet entretien[9]. Le Projet de loi 29 précise en outre qu’il doit être possible d’installer les pièces de rechange à l’aide d’outils courants et sans endommager le produit[10]. En outre, les réparations doivent être possibles à un prix raisonnable, qui n’aurait pas pour effet de décourager le client d’y recourir[11].
Le Projet de loi 29 introduit également un nouveau régime punitif pour les commerçants et les entreprises qui n’auront pas maintenu un inventaire de pièces ou des services de réparation disponibles. Le consommateur pourra alors demander au fabricant ou au vendeur de réparer lui-même le produit[12]. Si le commerçant ou le fabricant ne répond pas à la demande du client dans un délai de 10 jours[13] ou s’il accepte d’effectuer les réparations, mais ne respecte pas le délai convenu[14], il sera contraint de remplacer ou de rembourser l’intégralité du produit[15]. Le client aura également la possibilité d’accepter ou de refuser le projet de réparation proposé par le marchand. Si le consommateur refuse, il aura la possibilité de faire réparer le produit par une tierce personne, aux frais du vendeur ou du fabricant[16].
Exigences spécifiques aux appareils électroménagers et électroniques
Bien que les exigences susmentionnées s’appliquent à tous les types de produits, le Projet de loi 29 vise également à créer un régime qui cible spécifiquement certaines catégories d’électroménagers et d’appareils électroniques, à savoir les suivantes, que ce soit dans un contexte de vente ou de location à long terme (quatre mois et plus).
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Cette liste pourrait par ailleurs être étendue par voie réglementaire dans le futur. Pour ces catégories de biens, l’objectif ne sera pas de réglementer les exigences d’entretien en case d’usure normale, comme indiqué ci-dessus, mais plutôt de créer une “garantie de bon fonctionnement”[17] couvrant les pièces et la main-d’œuvre en cas de panne[18]. Par contraste, l’entretien normal, l’utilisation abusive par le consommateur ou les accessoires ne seraient généralement pas couverts par le nouveau régime. [19]
La garantie prendrait effet dès la livraison[20] et s’appliquerait pendant une durée déterminée par voie réglementaire.[21] Il semble probable que ces durées seront déterminées par catégorie de bien, ce qui pourrait être accueilli favorablement par certains, leur permettant de connaître avec certitude la norme à laquelle leurs produits doivent répondre.
À l’inverse, la garantie légale actuelle exige que les marchandises durent “pour une durée de temps raisonnable”, ce qui donne lieu à un exercice factuel et incertain qui se termine souvent devant les tribunaux.[22] Dorénavant, le commerçant sera même tenu d’indiquer de manière visible la durée de la garantie à côté du prix des produits.[23]
Cette garantie bénéficiera également au consommateur qui acquière subséquemment le bien.[24] En cas de défaut, le commerçant ou le fabricant devra effectuer la réparation du bien (y compris les frais d’expédition) OU payer le coût de la réparation effectuée par un tiers.[25]
Enfin, des règlements seront publiés pour imposer les obligations d’information suivantes et la façon dont elles doivent être respectées.
- Le fabricant doit indiquer les détails et la durée de la garantie;[26]
- Le commerçant doit s’assurer que les informations prescrites sont également envoyées au consommateur dès la conclusion de la vente ou de la location.[27]
Chargement universel
Bien que ce bulletin identifie déjà un certain nombre d’aspects à surveiller dans le cadre de règlements à venir, le gouvernement se donne également, à la fin du projet de loi, des pouvoirs assez importants en ce qui concerne la conception des produits vendus dans la province.[28] En effet, le gouvernement aurait désormais le pouvoir d’adopter des règlements « déterminant des normes techniques ou de fabrication pour les biens, y compris des normes permettant l’interopérabilité entre un bien et un chargeur, et prescrivant dans quels cas et à quelles conditions elles s’appliquent ».
D’après la couverture médiatique et les déclarations publiques entourant le Projet de loi 29, ceci vise d’abord à imposer un chargeur universel pour les téléphones portables, mais pourrait évidemment avoir des conséquences beaucoup plus importantes dans les années à venir.
Pénalités et sanctions
Avant l’arrivée du Projet de loi 29, toute personne qui ne se conformait pas à la LPC ou à ses règlements commettait une infraction et s’exposait à des amendes comprises entre 600 et 6 000 dollars pour les personnes physiques et entre 1 000 et 40 000 dollars pour les personnes morales[29]. En cas de récidive, ces montants maximum et minimum étaient doublés. Le Projet de loi 29 renforce et diversifie ces sanctions pénales. Les infractions sont désormais regroupées en différentes catégories, chacune donnant lieu à des amendes différentes. Par exemple, les infractions aux règles relatives à la forme et au contenu des contrats de consommation seront passibles d’une amende de 1 500 à 37 000 dollars pour les personnes physiques et de 3 000 à 75 000 dollars dans les autres cas. Pour d’autres infractions, telles que le défaut d’obtention des autorisations requises, la fourniture d’informations fausses ou trompeuses ou le non-respect d’une décision ou d’une exigence de l’Office de la protection du consommateur, les amendes peuvent atteindre 175 000 dollars pour une personne morale et 87 500 dollars pour une personne physique.
En outre, lors de l’examen de ces nouveaux seuils minimum et maximum, le projet de loi 29 exige que les tribunaux prennent en compte six nouveaux critères afin de déterminer le montant des sanctions pénales pécuniaires:[30]
- l’activité, les actifs, le chiffre d’affaires, les revenus ou la part de marché de la partie ayant commis infraction;
- la capacité de la partie en violation à prendre des mesures raisonnables pour empêcher la commission de l’infraction ou à en atténuer les conséquences lorsqu’elle ne l’a pas fait;
- les avantages pécuniaires ou autres tirés ou qui auraient pu être tirés de la commission de l’infraction;
- le préjudice économique causé aux consommateurs par la commission de l’infraction;
- le nombre de consommateurs lésés ou qui auraient pu être lésés par la commission de l’infraction;
- le comportement antérieur de l’auteur de l’infraction en ce qui concerne le respect de la LPC, y compris le défaut d’agir suite aux avertissements visant à prévenir l’infraction.
Sanctions administratives
En plus de réformer de manière significative les sanctions pécuniaires pour les infractions pénales, le Projet de loi 29 crée une nouvelle catégorie de sanctions administratives. Le Projet de loi est actuellement silencieux par rapport aux infractions qui donneraient lieu à des sanctions administratives, laissant au gouvernement le soin d’en décider dans une réglementation future. Cependant, le Projet de loi 29 établit des règles générales régissant ce nouveau type de sanctions,[31] telles qu’un délai de deux ans,[32] et des exigences spécifiques en matière de notification.[33]
Un ajout crucial de cette section est la possibilité de garantir le paiement des sanctions administratives en grevant les biens meubles et immeubles du contrevenant d’une hypothèque légale.[34] Cela signifie que l’Office de la protection du consommateur peut être en mesure de saisir les biens d’un contrevenant afin de garantir le paiement des sanctions administratives.
Il reste à voir quels sont les manquements qui donneront lieu à des sanctions administratives en vertu des futurs règlements qui suivront l’adoption du Projet de loi 29. Ces futurs règlements devraient également établir les montants exacts et la méthode de calcul de ces sanctions administratives.[35] Néanmoins, le montant prescrit ne pourra pas dépasser 1 750 $ pour les personnes physiques et 3 500 $ pour les personnes morales.[36]
[1] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1 (la “LPC“)
[2] LPC, art. 34-54.
[3] Projet de loi 29, Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens, 43rd Législature, 1ère session.
[4] Ex. Projet de loi 195 – Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur afin de lutter contre l’obsolescence programmée et de faire valoir le droit à la réparation des biens (43e Législature) et Projet de loi 197 – Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur afin de lutter contre l’obsolescence programmée et de faire valoir le droit à la réparation des biens (42e Législature).
[5] LPC amendée; art. 227.0.4.
[6] LPC amendée; art. 227.0.3. par. 1
[7] LPC, art. 39.
[8] LPC amendée; art. 39 par. 3
[9] Ibid; art. 39.1-39.2
[10] Ibid, art. 39(2)
[11] Ibid; art. 39.3
[12] Ibid; art. 39.5
[13] Ibid; art. 39.6
[14] Ibid; art. 39.7
[15] Ibid; art. 39.6-39.7
[16] Ibid; art. 39.7
[17] Ibid. art. 38.1
[18] Ibid, art. 38.2
[19] Ibid art. 38.3.
[20] Ibid, art. 38.4
[21] Ibid, art. 38.1
[22] LPC, art. 38. Des milliers de décisions ont été rendues sur cette section spécifique.
[23] LPC amendée, art. 38.8.
[24] Ibid, art. 38.6
[25] Ibid, art. 38.5.
[26] Ibid, art. 38.7
[27] Ibid, art. 38.9
[28] LPC amendée, art. 350(1)(d.1)
[29] LPC, art. 277, 279.
[30] Ibid, art. 282.
[31] LPC amendée, art. 276.1 al.1.
[32] Ibid, art. 276.4.
[33] LPC amendée, art. 262.3
[34] Ibid, art. 276.8.
[35] Ibid, art. 276.1 al. 2.
[36] Ibid.
par Emile Catimel-Marchand, Sidney Elbaz, Andrei Pascu, Simon Paransky, Lila Perrier (Étudiante en droit), Ariane Tousignant (Étudiante en droit)
Mise en garde
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